L’article 8 de la Convention européenne des droits d’ l’homme prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Ainsi, il est considéré que la protection de l’article 8 entend couvrir les relations existantes et effectivement vécue.
Si le critère de l’effectivité du lien est exigé pour la reconnaissance d’une vie familiale, il n’en demeure pas moins que les modes de preuve concernant cette effectivité n’est pas la même pour tout le monde. Cet article se penche ainsi particulièrement sur le sort réservé aux membres de la famille nucléaire.
En effet, en ce qui concerne la famille nucléaire, composée du couple marié et des enfants mineurs, il est communément présumé que leur relation est effectivement vécue. L’idée sous entendue par la Cour et la Commission est de « renforcer la vie familiale par delà l’éclatement de la famille » C’est dans cette optique que l’arrêt C. c. Belgique reconnaît la préservation du lien familial entre un enfant et son père, bien que ce dernier fut emprisonné puis expulsé du pays, à la suite de quoi l’enfant du être recueilli par sa tante[3]. Dans l’arrêt Berrehab, la Cour en a jugé de même pour un père marocain qui n’a jamais cohabité avec sa fille de mère néerlandaise, l’enfant étant né en plein milieu de la procédure de divorce de ses parents[4]. De ce fait, il est de jurisprudence constante qu’une cohabitation n’est pas requise entre un parent et ses enfants mineurs pour que vie familiale il y ait[5]. Plus généralement, « sauf circonstances exceptionnelles, la relation entre parents et enfants, fût-elle naturelle ou « légitime », ne se rompt pas par le fait d’un divorce ou d’une séparation ou par le fait que l’enfant cesse de vivre avec l’un de ses parents »[6]. Par ailleurs, dans l’arrêt Soderback c. Suède, la Cour a décidé, au détriment de la filiation entre un père biologique et son enfant, de faire primer l’intensité du lien familial de cet enfant à l’égard de son père adoptif, qui a connu l’enfant à l’âge de huit mois et qui a vécu avec lui et sa mère depuis tout ce temps[7]. Ainsi, en l’espèce, la filiation uniquement biologique, non corroborée par une relation effectivement vécue, n’était pas suffisante pour être protégée par l’article 8[8]. C’est ce qui ressort également de la requête G. c. Pays-Bas du 8 février 1993 selon laquelle le lien génétique entre un donneur de sperme et l’enfant né de sa semence n’est pas à lui seul constitutif de vie familiale puisque les liens personnels et étroits n’étaient pas démontrés[9]. [1] F. VASSEUR-LAMBRY, La famille et la Convention européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 308 [2] Ibid., p. 309 [3] Cour. eur. D.H, C. c. Belgique, 7 août 1996, requête n° 21794/93 : Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l’enfant est considéré de plein droit dans le tissus familial (Voy. S. SAROLEA, « De Luxembourg à Strasbourg : quelle famille pour l’étranger ? », op. cit., p. 551) [4] Cour. eur. D.H, Berrehab, 21 juin 1988, requête n° 10730/84 : Il a toutefois été établi que le père entretenait régulièrement des contacts avec sa fille avant d’être expulsé du pays, faute de titre de séjour. [5] S. SAROLEA, « De Luxembourg à Strasbourg : quelle famille pour l’étranger ? », op. cit., p. 551 [6] S. SAROLEA, Droits de l’homme et migrations: de la protection du migrant aux droits de la personne migrante, Collection du Centre des droits de l’homme de l’Université catholique de Louvain – N° 3, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 230 [7] Cour. eur. D.H, Soderback c/ Suède, 28 octobre 1998 [8] Voy. également Cour. eur. D.H., Lebbink c. Pays-Bas, 1 juin 2004, requête n° 45582/99 [9] Cour eur. D.H., G. c/ Pays-Bas, 8 février 1993, requête n° 16944/90