Le régime fiscal des droits d’auteur
Cet avis a pour objectif d’explorer ensemble les critères de détermination et le régime fiscal des droits d’auteur.
A cette fin, les critères permettant d’opérer la qualification des “œuvres originales littéraires ou artistiques” seront développés dans un premier temps.
Ensuite, le régime fiscal belge favorable de ces revenus mobiliers sera exposé et analysé en intégrant pleinement la position de l’administration fiscale
1. Voir : http://fiscus.fgov.be/interfaoiffr/DroitsAuteurRechten/inleiding.htm et http://www.lexalert.net/sites/default/files/14129_auteursrecht_fr.pdf.) selon notre méthode des 6 c’s
2. Ce n’est que quand chacune de ces 6 cases est cochée, que nous sommes assurés d’avoir accompli notre mission et que nos clients peuvent se sentir rassurés d’avoir reçu un avis juridique complet et de qualité.
1. Critère de détermination de la qualification de “droits d’auteur”
1.1 Le droit d’auteur et la notion d’œuvre
Il ressort des commentaires de doctrine que le droit d’auteur consiste en un ensemble de prérogatives juridiques reconnues au créateur d’une œuvre, lui permettant d’une part, de faire respecter l’intégrité intellectuelle de son œuvre et d’autre part d’en assurer l’exploitation économique.
En effet, l’article 1er, § 1 de la Loi sur les droits d’auteur et droits voisins (ci-après « la Loi ») [3. Loi du 30 juin 1994 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins, M.B., 27 juillet 1994.] énonce que :
«L’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit.
Ce droit comporte notamment le droit exclusif d’en autoriser l’adaptation ou la traduction. (…)
L’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique a seul le droit de la communiquer au public par un procédé quelconque ».
La Loi n’énumère pour ainsi dire pas les catégories d’œuvres protégées ni ne décrit leurs composantes mais en fournit juste une liste exemplative et aucunement limitative.
Contrairement à certaines idées préconçues, le droit d’auteur n’est donc nullement confiné au domaine artistique ou littéraire et, par conséquent, la notion d’œuvre doit donc être entendue de manière large.
Peut ainsi être protégée par le droit d’auteur « toute création de l’esprit humain, qui est réalisée dans un langage soit littéraire soit artistique, ce qui recouvre les formes d’expression graphique, picturale, cinématographique, photographique, musicale, sculpturale ou autre » [4. Article 8, §1er, alinéa 1er de la loi du 30 juin 1994 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins.].
L’œuvre littéraire ne vise donc pas seulement les œuvres de « littérature »dans le sens culturel et esthétique du mot [5. D. VOORHOOF, in F. BRISON & H. VANHEES (dir.), Hommage àJan Corbet, Larcier, Gand, 2e éd., 2008, p.51.].
Les cours et tribunaux ont notamment assimilé aux œuvres littéraires un ouvrage technique [6. Bruxelles, 27 février 1954, J.T., 1954, p. 278.], un manuel de jeu vidéo [7. Bruxelles, 9 novembre 1972, J.T., 1973, p. 463.], un mode d’emploi [8. Civ. Liège, 2 octobre 1992, J.T., 1993, p. 342.] ou un cours scientifique de génétique [9. Bruxelles (9e ch.), 11 avril 1997, A&M, 1997, p.265.].
Pour qu’une création et/ou œuvre puissent bénéficier de la protection du droit auteur, il est impératif que deux conditions soient remplies : elle doit être originale (cfr. point 1.2. ci-dessous) et mise dans une forme qui traduit la volonté de son auteur de la communiquer (cfr. point 1.3. ci-dessous).
L’objectif du droit d’auteur est d’encourager la création, en garantissant à ceux qui s’y consacrent la possibilité de rendre cette activité économique viable, voire profitable, et de permettre la diffusion de la création dans le public en y associant les créateurs.
1.2. Conditions de protection
1.2.1. Le critère d’originalité
Il est unanimement admis qu’une œuvre, pour être protégée, doit revêtir un caractère original [10. A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 2008 et, parmi d’autres, Cass., 26 janvier 2012, AM, 2012, 4, 336.],c’est-à-dire être marquée de l’empreinte de son auteur.
Selon la doctrine et la jurisprudence dont celle de la Cour de cassation [11. Cass., 26 janvier 2012, AM, 2012, 4, 336.], une œuvre originale est une « création intellectuelle propre à son auteur ». Ainsi, l’œuvre doit être « marquée du sceau de la personnalité de son auteur » [12. A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 30.].
Depuis juillet 2009, la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’arrêt Infopaq, a défini le critère d’originalité comme étant la « création intellectuelle propre à son auteur ». [13. C.J.C.E., 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, point 32 confirmépar C.J.U.E., 22 décembre 2010 Bezpecnostni softwarova asociace, C-393/09, point 46.] Par cet arrêt, la Cour de justice a fait de l’originalité une notion communautaire, c’est-à-dire identique dans tous les Etats-membres de l’Union européenne, et applicable à toutes les œuvres.
Les termes choisis par la Cour de justice sont proches d’une définition personnaliste de l’originalité[14. B. MICHAUX, « L’originalitéen droit d’auteur, une notion davantage communautaire après l’arrêt infopaq », A&M, 2009/5, p. 482.]. La notion serait donc subjective. En conséquence, la définition généralement donnée par la jurisprudence belge satisferait au critère dégagé par la Cour de justice.
Il en découle qu’il ne faut pas confondre originalité et nouveauté du fait qu’une œuvre peut être originale sans être nécessairement nouvelle. Le critère d’originalité, tel que dégagé par la jurisprudence, est un critère unique pour tous les genres d’œuvres.
Ce concept l’originalité retenue par la jurisprudence et la doctrine est ainsi fort subjectif et a permis l’apparition de nouvelles formes de créations. Ainsi, un travail utilitaire (le mode d’emploi d’un appareil par exemple) pourra être considéré comme étant original s’il est possible de considérer que sa forme eut été différente s’il avait été réalisé par une autre personne que son auteur.
La condition d’originalité doit être appréciée au cas par cas, notamment selon les critères résumés ci-après :
- Originalité de la forme plutôt que de l’idée
- « Le droit d’auteur protège les idées, pensées, principes et méthode lorsqu’ils ont reçu une forme concrète et originale ».
C’est cette forme concrète et originale qui fait l’objet de la protection [15. Gand, 17 mai 2010.], par opposition à l’idée qui en est la base.
C’est ainsi que des modes d’emplois ont pu être protégés [16. Bruxelles, 10 octobre 1997.], ou même des recettes [17. Liège, 10 juin 2011.], « dans leur expression littéraire » [18. Liège, 10 juin 2011, IRDI, 2012/1, 83.] à la condition qu’elle « ne se contente pas d’ «énoncer en termes brefs et banals la liste des ingrédients, les quantités et les gestes culinaires ».
Plus précisément, « la forme protégée ne s’arrête pas à l’expression, à savoir le niveau immédiatement perceptible. Elle recouvre également la structure originale de l’œuvre ou la disposition, l’arrangement ou la disposition des idées » [19. Prés. Com. Liège, 2 août 2012.].
Espace de liberté de l’auteur – choix originaux dans la confection de l’œuvre
En pratique, l’expression de la personnalité de l’auteur dans son œuvre implique qu’il ait disposé d’un espace de liberté suffisant, dans lequel il a pu exprimer des choix [20. D. KAESMACHER, T. STAMOS, Brevets, marques, droits d’auteur…– Mode d’emploi, p. 151-188.].
En effet,« sans liberté de créer, c’est-à-dire de choisir tout ou partie des éléments de l’œuvre, pas de création originale ». Dans ce cas, l’œuvre ne pourra par définition pas porter « l’empreinte de la personnalité de l’auteur » si l’auteur a été entièrement déterminé par des contraintes extérieures [21. M. BUYDENS, La protection de la quasi-création, Bruxelles, 1993.].
Une jurisprudence importante retient particulièrement ce critère de choix dans la disposition et la combinaison d’éléments [22. Voyez notamment : Bruxelles, 28 février 2006 ; Bruxelles, 6 décembre 2011, Ann. Prat. Marché,2011, 758; Gand, 17 mai 2010, AM,2013, liv. 2, 102; N. GODIN, L’originalitécomme condition de protection en droit d’auteur.].
En résumé, la personnalité de l’auteur peut se manifester par les choix qu’il opère dans la configuration de l’œuvre plutôt que par l’arbitraire de son imagination [23. A. STROWEL, J.P. TRIAILLE, Le droit d’auteur, du logiciel au multimédia, droit belge, droit européen, droit comparé, éd. 1997, Bruylant, p. 150-151.]. L’œuvre reflétera la personnalité de son auteur si elle est déterminée par les choix qu’il a pu faire face à différentes possibilités qui se présentaient à lui, au-delà des contraintes techniques qui lui étaient imposées.
Absence de « banalité »
Enfin, l’œuvre originale ne peut être banale [24. Gand, 27 avril 2009, TBO, 2011, liv. 3, 118.] ou résulter de choix évidents [25. Gand, 26 janvier 2009, DAOR, 2009, liv. 91, 308.].
Il a ainsi été jugé, en matière de résumés de décisions de jurisprudence, que « La loi sur le droit d’auteur protège les œuvres littéraires ou les œuvres d’art dans le sens le plus large du mot, parmi lesquels les résumés de jurisprudence. L’œuvre doit être «originale», c.-à-d. être l’expression de l’effort intellectuel de l’auteur. Une condition de base est que l’auteur ait une possibilité de choix. En l’absence de choix ou lorsque le choix opéré est banal, évident ou purement fortuit, tout le monde est obligé de parcourir le même chemin et, par conséquent, personne ne peut donner à l’ouvrage un sens personnel » [26. Anvers, 28 novembre 2011, IRDI, 2013, liv. 3, 318.].En l’espèce, la Cour d’appel d’Anvers a considéré que les résumés revêtaient suffisamment d’originalité dès lors qu’ils ne portaient plus l’empreinte personnelle du magistrat.
Du fait de son caractère subjectif et global, cette condition d’originalité, qui relève de l’appréciation du juge, est assez facilement rencontrée car celui-ci est très peu exigeant à cet égard.
1.2.2. Le critère de la mise en forme
L’œuvre ne peut, selon la doctrine et la jurisprudence, être protégée que si l’auteur a matérialisé sa création dans une certaine forme directement ou indirectement perceptible par autrui.
De ce fait, les idées, non matérialisées, ne sont pas protégeables [27. Voy. A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, 1995, n°828; M. BUYDENS, La protection de la quasi-création, Bruxelles, 1993; VAN HECKE et GOTZEN, « Overzicht van rechtspraak – industriele eigendom, auteursrecht 1975-1990 », TPR, 1990, 1792 ; Bruxelles, 26.3.2001, RG 1999/RG/110, A&M, 2001, 367.].
Ce n’est dès lors pas l’idée, le concept en lui-même qui est à la base d’une œuvre, mais bien l’expression, la formalisation de cette idée qui est protégée. L’œuvre doit être concrétisée dans une forme. La forme ou l’expression de l’œuvre est la réalisation d’une idée dans une forme perceptible à l’esprit.
Un exemple tiré de la jurisprudence française permet de cerner les limites que ce critère impose : si l’emballage du Pont-neuf par Christo est protégé par le droit d’auteur – l’idée d’emballer des objets n’est quant à elle pas protégeable – ce qui amena le tribunal de Grande Instance de Paris à débouter l’artiste américain qui reprochait à une agence de publicité d’utiliser des photographies d’ouvrages d’art emballés à la manière de Christo . L’idée d’emballer des ouvrages d’art n’est donc pas protégeable par le droit d’auteur, au contraire de la concrétisation de cette idée dans une forme particulière (l’emballage du Pont-Neuf par Christo [28. TGI Paris, 26 mai 1987, Rec. Dalloz, 1988, somm. Comm., p. 201.]).
Le support matériel en tant que tel n’est dès lors pas nécessaire pour que l’œuvre soit protégée par un droit d’auteur, mais c’est bien l’expression, la formalisation de cette idée qui est protégée.
Cela a été confirmé par la Cour de cassation belge qui énonce, dans son arrêt du 19 mars 1998 [29. Cass., RG n°C970002N, 19 mars 1998, www.cassonline.be.], que
« le droit appartenant exclusivement à l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique de reproduire ou d’autoriser la reproduction de celle-ci, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, n’a pas pour but de protéger une idée ou un concept et n’est pas davantage relatif à la protection des intérêts d’une entreprise ».
1.3. Exemples
1.3.1. Les bases de données : critère contenu-contenant
Dans le cadre de cet avis, le critère du contenu-contenant est essentiel car il s’applique plus particulièrement aux bases de données et non aux œuvres littéraires ou artistiques.
Un site internet figure parmi les exemples de bases de données.
En effet, la Loi du 31 août 1998 qui transpose la directive européenne sur la protection des bases de données en droit belge instaure une double protection : d’une part, une protection par le droit d’auteur sur le contenant et, d’autre part une protection qualifiée de « sui generis » concernant certaines utilisations du contenu.
La partie droits d’auteur de la loi a été intégrée dans la Loi sur les droits d’auteur, aux articles 20bis à 20quater, tandis que la partie droit « sui generis » a été transposée dans une loi distincte.
L’article 20bis de la Loi énonce que
« les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. La protection des bases de données par le droit d’auteur ne s’étend pas aux œuvres, aux données ou éléments eux-mêmes et est sans préjudice de tout droit existant sur les œuvres, les données ou autres éléments contenus dans la base de données ».
Par conséquent, les œuvres en tant que telle ne sont pas protégées dans ce cas-ci.
Sans préjudice des droits d’auteur éventuellement afférents aux éléments contenus dans la base de données, le droit d’auteur protège pour sa part la structure de la base de données si elle est originale. Une fois encore, le critère de l’originalité s’applique.
La protection par le droit « sui generis » permet d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base de données [30. Articles 2 et 4 de la loi du 31 août 1998 transposant en droit belge la directive européenne du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.].
1.3.2. Les méthodes, procédures, manuels et modes d’emploi
L’exigence de mise en forme exclut en principe que bénéficient de la protection du droit d’auteur, et donc soient qualifiées d’œuvres au sens de la loi du 30 juin 1994 les méthodes, les modes, les styles et les techniques [31. M. BUYDENS, La protection de la quasi-création, Bruxelles 1993.].
Les méthodes, les modes, les styles et les techniques et par conséquent, modes d’emplois et manuels ne sont donc pas protégeables comme tels [32. Civ. Bruxelles, 26.1.1998, A&M 1998, 234; Bruxelles, 16.11.1960, Pas 1961, II, 287; A. BERENBOOM, o.c., n°833; M. BUYDENS, o.c., p.263; en France: Cass. fr., 29.11.1960, RIDA, 27/1960, 112; Cass. fr., 18.10.1977, RIDA, avril 1978, 114; Civ. Marseille, 11.4.1957, Dall. 1957, 369.
].
Toutefois, la jurisprudence a reconnu la protection par le droit d’auteur lorsque la combinaison d’éléments constitue elle-même et indépendamment de l’idée qu’elle contient, une œuvre originale [33. Civ. Bruxelles, 29 mai 1997, Ing.Cons., 1997, 207.].
Il convient donc d’examiner si et dans quels cas la jurisprudence a reconnu ou pourrait reconnaître la qualité d’œuvre à des manuels, modes d’emplois et équivalents.
– Conditions de protection dégagées par la doctrine et la jurisprudence
C’est, selon la doctrine et la jurisprudence, l’expression, la composition qui a été donnée à la méthode qui peut en revanche faire l’objet d’une protection[34. A. STROWEL, « L’abus du droit d’auteur et les manuels d’utilisation », Ann. Prat. Comm. 1997, 746.].
Ainsi, il a été jugé que « le droit d’auteur protège les idées, pensées, principes et méthodes lorsqu’ils ont reçu une forme concrète et originale ». C’est cette forme concrète et originale qui fera alors l’objet de la protection [35. Voir Gand, 17 mai 2010.].
Selon cet enseignement, un manuel qui matérialise une méthode, pour autant qu’il soit considéré comme original, est une œuvre.
Attention toutefois : la matérialisation d’une idée ne la protège pas, seule sa mise en forme sera éventuellement protégée, si elle est originale [36. J.F. PUYRAIMOND, note sous Prés. Civ. Bruxelles, 8 juillet 2002, IRDI, 2003, p.39.].
C’est ainsi que des modes d’emplois ont pu être protégés [37. Bruxelles, 10 octobre 1997.], ou même des recettes[38. Liège, 10 juin 2011.], « dans leur expression littéraire » [39. Liège, 10 juin 2011, IRDI, 2012/1, 83.] à la condition qu’elle « ne se contente pas d’énoncer en termes brefs et banals la liste des ingrédients, les quantités et les gestes culinaires ».
Plus précisément, « la forme protégée ne s’arrête pas à l’expression, à savoir le niveau immédiatement perceptible. Elle recouvre également la structure originale de l’œuvre ou la disposition, l’arrangement ou la disposition des idées » [40. Prés. Com. Liège, 2 août 2012.].
Ainsi, des procédures « SOP » (“Standard Operation Procedures”) qui décrivent les différentes étapes de réalisation d’examens médicaux afin de correspondre aux règles de « Bonne Pratique Médicale » (“Good Medical Practice – GMP”) peuvent qualifier d’oeuvre originale.
Ces procédures sont généralement spécifiques à un département/entité médicale et sont soit basées sur des articles ou ouvrages d’un médecin soit directement rédigées par un ou plusieurs médecins.
Ainsi, le texte, le choix de la structure, le style, ainsi que la présentation, l’ordonnancement des idées peuvent démontrer assez d’originalité que pour permettre de qualifier les procédures dont question en œuvres, et ainsi rémunérer leur auteur en conséquence.
En effet, si les procédures ne peuvent en elles-mêmes être considérées comme une œuvre originale, leur matérialisation, notamment sous forme de fiches et de tableaux peut être considérée comme telle.
L’ordonnancement des idées peut ainsi présenter une originalité certaine (tableaux, titres indiquant les différentes étapes pour chaque examen médical, etc.).
– Analyse de la jurisprudence pertinente en ce qui concerne l’originalité des manuels
Nous l’avons vu, la condition de mise en forme est remplie, dès lors que le manuel (ou plus précisément son expression, sa forme) a été matérialisé dans un écrit. Cette condition ne pose en général pas de problème.
Mais cet écrit doit être original.
L’originalité est, comme exposé plus haut, une construction jurisprudentielle. Selon la Cour de cassation, une œuvre originale est une « création intellectuelle propre à son auteur » [41. Cass., 26 janvier 2012, AM 2012, 4, 336.]. L’œuvre doit être « marquée du sceau de la personnalité de son auteur » [42. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 30.].
Cette conception traditionnelle relativement souple a permis de faire évoluer le champ d’application de la protection pour l’étendre aux nouvelles formes de créations (par exemple, les logiciels – voir supra) [43. A. CRUQUENAIRE, Le sort des droits d’auteur afférents aux créations réalisées durant l’exécution du contrat de travail.].
Cette conception est d’ailleurs celle adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Infopaq [44. CJUE, 5 juillet 2009, C-5/08.]. Selon la Cour, « le droit d’auteur n’est susceptible de s’appliquer que par rapport à un objet qui est original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur ». L’auteur doit « exprimer son esprit créateur de manière originale », c’est-à-dire exprimer sa personnalité à travers l’œuvre.
Pris dans son contexte, cette définition de l’originalité se traduit par l’idée que « la protection par le droit d’auteur d’une œuvre, quand bien même l’originalité de cette dernière ne serait limitée qu’au choix ou à la disposition des éléments qui composent l’œuvre. Le choix, même aléatoire, doit être personnel, en d’autres termes, qu’il doit être inattendu ou non évident, ou à tout le moins exprimer une vision personnelle, sans être intégralement arbitraire » [45. N. GODIN, L’originalité comme condition de protection en droit d’auteur.].
La personnalité de l’auteur peut se manifester par les choix qu’il opère dans la configuration de l’œuvre plutôt que par l’arbitraire de son imagination [46. A. STROWEL, J.P. TRIAILLE, « Le droit d’auteur, du logiciel au multimédia, droit belge, droit européen, droit comparé », éd. 1997, Bruylant, p. 150-151.].
C’est donc dans la configuration du manuel de procédure qu’il convient de rechercher l’originalité.
Dans le cas d’une recette, il a été jugé que l’écrit qui se contente d’énoncer en termes brefs et banals la liste des ingrédients, leur quantité et les gestes culinaires à poser selon une forme immuable depuis un siècle au moins et qui fait à présent partie du domaine public ne peut être protégé [47. Liège, 10 juin 2011, IRDI, 2012/1, 83.]. La Cour relève que
« l’appelante aurait pu faire preuve d’originalité en adoptant un style ou un ton différent, en agrémentant chaque recette de commentaires ou anecdotes personnels, des suggestions inhabituelles sur l’accompagnement du plat (…) en recourant à une mise en page inhabituelle, etc. ».
Le mode d’emploi de G.S.M. de la marque Nokia est une œuvre, selon la Cour d’appel de Bruxelles [48. Bruxelles 10 octobre 1997, DAOR, 1998, liv. 46, 64.] car « si le contenu d’un manuel comporte certaines exigences contraignantes, il n’empêche qu’il y a différentes manières de le présenter, de le rédiger, de l’illustrer, de le mettre en page, etc. ».
Eu égard à ce qui précède, les couleurs, dessins, le choix de la structure et le style, ainsi que la présentation, l’ordonnancement des idées peuvent démontrer assez d’originalité que pour permettre de qualifier un manuel en œuvre, et ainsi rémunérer son auteur en conséquence.
1.3.3. Originalité en matière de photographie
L’analyse de l’abondante jurisprudence en matière d’originalité des photographies permet de conclure qu’une photographie est originale et reflète donc suffisamment la personnalité de son auteur si lors de son élaboration, il existe des possibilités de choix libres et créatifs lors de la réalisation de la photographie et que l’auteur développe une forme qui lui est propre [49. Bruxelles, 22 décembre 2011, JLMB, 2012, 21, 1001 ; CJUE, 1 décembre 2011, n°C-145/10.].
Ce choix portera notamment sur les éléments suivants qui dénotent une compétence et un effort intellectuel de l’auteur [50. Voir Bruxelles, 13 juin 2009, AM, 2010, 3, 253 ; Bruxelles, 22 décembre 2011, JLMB, 2012, 21, 100 ; Gand, 5 janvier 2009, AM, 2009, liv. 4, 413.] : l’angle de vue et le cadrage, la perspective, l’éclairage et sa durée, le jeu de lumière, le moment de la prise de vue, la composition, le diaphragme, le développeur et le papier utilisés, …
1.3.4. Logiciel
La protection par le droit d’auteur des logiciels est réglée par une loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur. Son article 2 prévoit que : « Un programme d’ordinateur est protégés’il est original, en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer s’il peut bénéficier d’une protection par le droit d’auteur ».
Il poursuit en précisant que :
« La protection accordée par la présente loi s’applique à toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur. Les idées et principes à la base de tout élément d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur ».
Le logiciel doit donc :
- être original ; et
- fixé dans un support matériel.
En effet, les idées ne sont pas protégeables. C’est leur mise en forme de manière originale par un auteur qui l’est.
Le critère d’originalité pour les programmes d’ordinateur doit être appliqué de la même manière que celui appliqué aux autres créations artistiques. Cependant, il convient tout de même de tenir compte des spécificités techniques du programme d’ordinateur.
En résumé, même en matière de logiciels, la personnalité de l’auteur peut se manifester par les choix qu’il opère dans la configuration de l’œuvre plutôt que par l’arbitraire de son imagination [51. A. STROWEL, J.P. TRIAILLE, Le droit d’auteur, du logiciel au multimédia, droit belge, droit européen, droit comparé, éd. 1997, Bruylant, p. 150-151.].
Le logiciel doit représenter l’expression de la personnalité de l’auteur, tant dans « l’arbitraire de l’imagination de l’auteur projetée dans l’œuvre », que dans « les choix opérés par l’auteur pour configurer l’œuvre » [52. A. STROWEL, J.P. TRIAILLE, Le droit d’auteur, du logiciel au multimédia, droit belge, droit européen, droit comparé , éd. 1997, Bruylant, p. 150-151.], à la condition que ces choix ne soient pas imposés par des contraintes d’ordre technique).
En matière de logiciels, c’est la structure des programmes, et plus particulièrement les codes sources, qui permet de connaître en l’espèce l’approche originale dont a fait preuve son auteur [53. Anvers (1re ch.) 5 juin 2000, A.J.T., 2000-01, 917, note VERNIMME, I.].
Ainsi, il a été jugé que l’originalité d’un logiciel ressortait de « l’effort intellectuel propre à l’auteur du logiciel (…) et donc les choix qui ont été faits dans l’enchaînement fonctionnel des menus, des formulaires à compléter, des documents et des rapports », ainsi que la structure du logiciel et l’interface utilisateur [54. Gand n°2009/AR/2973, 10 janvier 2011, AM, 2013, liv. 2, 99; Annuaire Pratiques du marché, 2011, 827, note FIERENS, A.].
1.3.5. Publications et brochures ou dépliants
Les écrits scientifiques et autres articles publiés revêtent en règle une certaine originalité puisqu’en effet toutes ces œuvres reflètent la personnalité de leur auteur et sa qualité ou renommée.
En règle, toute personne n’aurait pas pu concevoir de telles œuvres. Ces œuvres ne sont donc pas banales et révèlent un choix dans leur conception.
Des dépliants ou brochures résultent généralement de choix que l’auteur a posé.
Les explications qui y sont données, la mise en page, l’ordonnancement des idées de même que les photographies qui y sont représentées peuvent ainsi découler directement de l’expérience professionnelle et/ou personnelle de son auteur.
L’oeuvre devra dès lors se démarquer d’un banal dépliant générique par le texte, le choix de la structure, le style, ainsi que la présentation, l’ordonnancement des idées démontrant assez d’originalité.
1.4. Le droit de reproduction
Le droit de reproduction fait partie des droits patrimoniaux de l’auteur. Le droit de reproduction au sens large comprend le droit de reproduction au sens strict, le droit d’adaptation et le droit de location et de prêt.
Le droit de reproduction au sens strict est le droit exclusif de l’auteur d’autoriser ou de refuser la reproduction de son œuvre sous quelque forme matérielle que ce soit (livre, partition musicale, film, disque,…).
La reproduction couvre tant la première fixation (reproduction originale) que les reproductions secondaires (réalisés à partir de la première fixation). Ce droit est repris à l’article 1er, § 1er, alinéa 1er, de la Loi.
Seul l’auteur a le droit de reproduction. A chaque reproduction, il faut l’accord de l’auteur mais il faut également l’accord de ceux qui ont reproduit l’œuvre car ils y ont peut-être laissé leur empreinte.
Par conséquent, l’auteur doit également bénéficier de 100% de droits d’auteur lors de la reproduction des œuvres dont il est reconnu être le titulaire.
1.5. Droit de suite de l’auteur
Le droit de suite est régi par la section 3 du premier chapitre de la Loi du 30 juin 1994. L’article 11 prévoit que : « Pour tout acte de revente d’une œuvre d’art originale dans lequel interviennent en tant que vendeurs, acheteurs ou intermédiaires, des professionnels du marchéde l’art, après la première cession par l’auteur, il est dûàl’auteur par le vendeur un droit de suite inaliénable, auquel il ne peut être renoncé, même de façon anticipée, calculésur le prix de revente ».
Le droit de suite ne s’applique donc que dans le cas de ventes dans lesquelles intervient un professionnel du marché de l’art.
L’auteur ou la société de gestion de ses droits ou si cela n’est pas raisonnablement possible, aux sociétés de gestion désignées par le Roi doivent en être avertis :
- Pour les reventes effectuées dans le cadre d’une vente aux enchères publiques, par les professionnels du marché de l’art (vendeurs, acheteurs ou d’intermédiaires), l’officier public et le vendeur dans le mois de la vente.
- Pour les reventes qui ne sont pas effectuées dans le cadre d’une vente aux enchères publiques, par les professionnels du marché de l’art (vendeurs, acheteurs ou intermédiaires) et le vendeur dans le même délai.
Le paiement doit intervenir dans un délai de deux mois suivant la notification.
2. Traitement fiscal des droits d’auteur perçus
2.1. Intérêt de la qualification d’ « œuvre originale »
L’intérêt de qualifier une œuvre d’ « originale » au sens de la loi sur les droits d’auteur réside dans la fiscalité particulièrement attractive des revenus générés par ces œuvres, pour leurs auteurs.
Une loi du 16 juillet 2008, publiée au Moniteur belge du 30 juillet 2008 et entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a réformé la fiscalité des droits d’auteur et des droits voisins, qui bénéficie à présent d’un régime largement favorable.
Ces nouvelles dispositions légales introduites regroupent tous les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteurs et de droits voisins sous une seule qualification et donc de les considérer comme des revenus mobiliers soumis à un précompte mobilier de 15%, dans la mesure où ils ne dépassent pas le montant de 57.080 euros (exercice d’imposition 2015).
Au-delà de ce montant, ils peuvent être considérés comme des revenus mobiliers ou professionnels. Dans ce dernier cas, ils sont alors ajoutés aux éventuels autres revenus professionnels et soumis aux taux progressifs par tranche.
Par ailleurs, des frais forfaitaires peuvent être déduits du revenu brut : 50 % pour la première tranche de 15.220 € et 25 % pour la tranche allant de 15.220 € à 30.440 €, avec un maximum de 11.415 € (exercice d’imposition 2015).
2.2. Impôts directs
2.2.1. La loi du 16 juillet 2008 – Objectif : Sécurité juridique
A compter du 1er janvier 2008, tous les droits d’auteur qui ne dépassent pas une somme annuelle de 57.080 € (exercice d’imposition 2015) sont considérés par la Loi du 16 juillet 2008 comme des revenus mobiliers et non plus comme des revenus professionnels.
Sont concernés par le régime fiscal décrit ci-dessous les droits d’auteur et les droits voisins, ainsi que les revenus des licences légales ou obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger.
La loi du 30 juin 1994 qualifie les droits d’auteur et droits voisins de biens mobiliers. La loi du 16 juillet 2008 aligne le droit fiscal sur cette disposition de droit civil et met fin à toute discussion quant à la nature des revenus de droit d’auteur et de droits voisins, tels que visés par la loi du 30 juin 1994.
Etant donné que cette loi du 30 juin 1994 s’impose dorénavant intégralement en matière fiscale, ce sont tous les revenus de droit d’auteur et de droits voisins qui sont désormais visés par la loi du 16 juillet 2008. Les droits d’auteur et droits voisins sont perçus par le contribuable à l’occasion de la cession ou de l’exploitation de sa production intellectuelle ou artistique ou des rémunérations versées dans le cadre des licences légales et obligatoires instaurées par la loi du 30 juin 1994.
La loi du 16 juillet 2008 vise exclusivement les œuvres littéraires ou artistiques dont l’auteur a seul le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction et sur lesquelles il jouit d’un droit moral inaliénable. Le titulaire originaire du droit d’auteur est la personne qui a créé l’œuvre.
Cette loi a pour objet de « modifier, de clarifier et de simplifier le régime fiscal des droits d’auteur et des droits voisins en alignant le droit fiscal sur le droit commun » [55. Voir l’avis publiéau Moniteur Belge le 9/12/2008 : http://fiscus.fgov.be/interfaoiffr/DroitsAuteurRechten/inleiding.htm & Circulaire AGFisc N°36/2014 (n°Ci.RH.231/631.675) d.d. 04.09.2014 : http://www.lexalert.net/sites/default/files/14129_auteursrecht_fr.pdf.].
Selon ce même avis, « en donnant désormais une qualification claire à ces revenus, la sécurité juridique est garantie, à tout le moins jusqu’à concurrence de (57.080 €) par an et par bénéficiaire personne physique. Les revenus visés par la loi du 16 juillet 2008 ne peuvent effectivement plus, à due concurrence, à partir du 1er janvier 2008, être qualifiés de professionnels, mais ils sont toujours considérés comme un revenu mobilier (…) ».
Il est précisé plus loi qu’ « en d’autres mots, l’application de l’article 37 CIR92 –qui permet à l’administration fiscale de requalifier des revenus notamment mobiliers en revenus professionnels lorsque les avoirs productifs de ces revenus mobiliers sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle de leur bénéficiaire- est neutralisée pour la première tranche de (57.080) € ».
Dès lors que l’article 17, §1er, 5°, nouveau du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR 92 ») se réfère aux « revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger », une fois que les œuvres sont bien qualifiées d’œuvres originales au sens de cette loi, il n’est plus possible pour l’administration de qualifier les revenus qui en résulte autrement qu’en revenus immobiliers.
Toutefois la loi n’a pas pour vocation de transformer en droits d’auteur des revenus qui constituent aujourd’hui des rémunérations ou des profits de professions libérales. Il y a donc lieu de bien distinguer les revenus, par exemple :
- L’employé qui est payé par son employeur pour rédiger des textes, perçoit une rémunération. Si ce texte est publié et que la publication donne des droits d’auteur, ces derniers et seulement eux constituent des droits d’auteur ; et
- L’avocat consulté réclame généralement des honoraires à son client pour sa prestation globale : conseil et conclusions écrites. Ces honoraires restent des profits. Il n’y a pas de droits d’auteur sur les conclusions ni sur le contrat de bail, par exemple, rédigé par l’avocat à la demande de son client. L’avocat ne cède ni ne concède à son client le droit de diffuser son œuvre à charge pour ce dernier de lui verser des droits pour cette diffusion. L’avocat ne pourrait pas percevoir des droits d’auteur pour les courriers et leur contenu adressés à ses clients ; et
- Le photographe free-lance invité par un journal local à faire et à lui remettre une photo d’une équipe sportive de la région reçoit pour sa photo un profit ou un salaire selon qu’il soit lié par un contrat de travail ou non. Si le photographe cède ou concède le droit de diffuser cette photo dans un ouvrage par exemple et qu’il est prévu en outre des droits spécifiques dans le cadre de cette diffusion, il y a droits d’auteur ; et
- Un chanteur qui se produit en Belgique reçoit une rémunération pour sa prestation de la part de l’organisateur du spectacle ; cette rémunération n’est pas qualifiée de droit d’auteur. Si à l’occasion de cette prestation, un enregistrement est fait et un CD est vendu, les droits que le chanteur va percevoir sur la vente du CD sont qualifiés de droit d’auteur ; et
Dans le cadre de la profession d’architecte, les plans et maquettes sont certes des œuvres protégées sur lesquels l’auteur dispose de droits moraux mais la réalisation de ces plans/maquettes pour un client ne provient pas de la cession ou de la concession de droits pécuniaires que l’architecte a sur ceux-ci. En revanche, si cet architecte réalise une maison vraiment originale et que les plans/maquettes sont exposés, contre rémunération de l’architecte, alors pour cette partie des revenus, il s’agira de droits d’auteur.
L’administration sera attentive à ce que ne soit pas transformé en droit d’auteur un revenu qui n’est pas visé par la loi du 16 juillet 2008.
Il faut donc raisonner, comme le précise la circulaire du 04 septembre 2014 à la suite de l’avis du 9 décembre 2008 [56. Circulaire AGFisc n°36/2014 (n°Ci.RH.231/631.675) dd. 04.09.2014, p. 1 et Avis du 09.12.2008 prévisé, p. 65490, al. 11.], en 5 étapes pour déterminer si les revenus attribués à un auteur ou un artiste sont visés par la loi du 16 juillet 2008 :
- est-ce que l’œuvre qui lui a permis d’acquérir des revenus est une œuvre protégée, à savoir une œuvre visée par la loi du 30 juin 1994 ?
- est-ce que ces revenus découlent d’une cession ou d’une concession de ses droits pécuniaires sur l’œuvre ?
- dans l’affirmative, 3 questions doivent encore être posées :
- afin de distinguer les revenus professionnels de revenus de droits d’auteur, la prestation fournie a-t-elle donné lieu à la production d’une «œuvre littéraire ou artistique»(par opposition aux revenus directs ou accessoires de son travail) ?
- les droits d’auteur relatifs à cette œuvre ont-ils fait l’objet d’une cession ou d’une concession à l’égard d’un tiers et ce dans le cadre d’un contrat écrit ?
- le revenu rétribuant ladite cession ou concession des droits d’auteur est-il clairement spécifié dans le contrat ?
2.2.2. Régime fiscal – Revenus mobiliers
Les droits d’auteur peuvent notamment faire l’objet, conformément à l’article 3 de la Loi, d’une cession ou d’une licence.
Ainsi, d’un point de vue fiscal, la question s’est posée en ce qui concerne la qualification des revenus provenant des droits d’auteur. Ces revenus peuvent en effet être qualifiés de revenus professionnels ou de revenus divers ou encore de revenus mobiliers.
Cette qualification des revenus doit s’apprécier en fonction des éléments de droit et de fait (convention, statut,…) propres à chaque cas, et il convient, le cas échéant, de distinguer d’une part, la rétribution de la prestation de l’auteur ou de l’artiste, c.-à-d. les revenus obtenus en contrepartie de l’exercice de son activité, imposable, en principe, à titre de revenus professionnels (profits ou rémunérations); et d’autre part, la rétribution résultant de la cession ou de la concession à un tiers de droits d’auteur, droits voisins ou de licences légales et obligatoires afférents à une œuvre littéraire et artistique [57. Circulaire AGFisc n°36/2014 (n°Ci.RH.231/631.675) dd. 04.09.2014, p. 1.].
La récente circulaire du 4 septembre 2014 indique, de manière claire et pratique, les éléments dont il faut tenir compte pour procéder à cette distinction :
« 1) la prestation fournie a-t-elle donné lieu à la production d’une «œuvre littéraire ou artistique»?
2) dans l’affirmative, les droits d’auteur relatifs à cette œuvre ont-ils fait l’objet d’une cession ou d’une concession à l’égard d’un tiers, ce dans le cadre d’un contrat écrit ?
3) enfin, le revenu rétribuant ladite cession ou concession des droits d’auteur est-il clairement spécifié dans le contrat?
La présence d’éléments qui corroborent l’existence d’une concession ou cession de droits d’auteur ou droits voisins ne signifie pas ipso facto qu’un montant sera imposable à titre de revenus mobiliers. [58. Circulaire AGFisc n°36/2014 (n°Ci.RH.231/631.675) dd. 04.09.2014, p. 2.]»
Ces questions de qualification est primordiale au sens où s’ils sont traités comme des revenus professionnels, ils sont soumis au taux progressif de l’impôt sur le revenu, cumulant à 50 % au-delà de 37.750 € pour les revenus de l’année civile 2014, additionnels communaux non compris.
Notre cabinet applique rigoureusement sa méthode originale des 6 c’s [59. https://www.law-right.com/fr/notre-cabinet/6-checks-pour-optimiser-votre-dossier/ et https://www.law-right.com/fr/notre-cabinet/video/ ou https://www.youtube.com/watch?v=IA6gPmlriyo.] à la qualification des oeuvres originales de nos clients. Ce n’est que quand chacune de ces 6 cases est cochée, que nous sommes assurés d’avoir accompli notre mission et que nos clients peuvent se sentir rassurés d’avoir reçu un avis juridique complet et de qualité.
La Loi du 16 juillet 2008 opère ainsi une véritable réforme de la fiscalité des droits d’auteur et des droits voisins. Le législateur a entendu réserver ce régime fiscal aux auteurs et artistes qui perçoivent des droits d’auteur après avoir cédé ou concédé leurs droits sur l’exploitation et la diffusion de leurs œuvres.
Nous citons ici le commentaire administratif de l’article 37 du Code des impôts sur les revenus de 1992 :
« sans préjudice de l’application des précomptes, les revenus des biens immobiliers et des capitaux et biens mobiliers, sont considérés comme des revenus professionnels, lorsque ces avoirs sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus.
Par dérogation, les revenus visés à l’article 17, §1er, 5°, conservent leur qualité de revenus mobiliers sauf dans l’éventualité et dans la mesure où ils excèdent 57.080 EUR (revenus de l’année 2014 – montant de base 37.500 euros) ».
Cet article 17, § 1er, 5° nouveau du Code des impôts sur les revenus 1992 se réfère aux :
«revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger ».
En donnant une qualification claire à ces revenus, la sécurité juridique est garantie, à tout le moins jusqu’à concurrence de 57.080 € (exercice d’imposition 2015) par an et par bénéficiaire personne physique. Les revenus visés par la Loi du 16 juillet 2008 ne peuvent effectivement plus, à due concurrence, à partir du 1er janvier 2008, être qualifié de professionnels mais ils sont toujours considérés comme un revenu mobilier, le droit d’auteur et les droits voisins étant eux-mêmes reconnus comme étant des droits mobiliers par la loi du 30 juin 1994.
En d’autres termes, l’application de l’article 37 CIR qui permet à l’administration fiscale de requalifier des revenus notamment mobiliers en revenus professionnels lorsque les avoirs productifs de ces revenus mobiliers sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle de leur bénéficiaire est neutralisée pour la première tranche de 57.080 €.
Dès lors, les revenus provenant des droits d’auteur, pour autant qu’ils ne dépassent pas le montant de 57.080 € (revenus de l’exercice d’imposition 2015), sont donc taxés au taux uniforme de 15 %, prélevé à la source par le débiteur des droits.
Ainsi, il sera seulement retenu un précompte mobilier de 15 % sur les droits d’auteur versés aux Auteurs après déduction de frais forfaitaires, à condition que le montant de ces revenus ne dépasse pas 57.080 €(revenus de l’exercice d’imposition 2015). Au-delà, ces revenus seront considérés comme des revenus professionnels. Depuis le 1er janvier 2008, le sort fiscal des droits d’auteur dépend donc de leur montant ou plutôt d’un seuil àne pas dépasser.
Tranche | Qualification des revenus | Précompte |
---|---|---|
≤ 57.080 € | Revenus mobiliers | Précompte mobilier libératoire 15 % |
> 57.080 € | Revenus professionnels | Taux marginal d’imposition soit 50 %au-delà de 57.080 € |
[/fusion_text]
Le bénéficiaire de droits d’auteur peut par ailleurs, en application de l’article 6 de la Loi du 16 juillet 2008 et de l’article 4 de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 du 27 août 1993, postuler la déduction des frais exposés pour les obtenir.
Ainsi, à défaut d’éléments probants, les frais déductibles s’élèvent, forfaitairement, à 50 % de la première tranche de revenus allant de 0 à 15.220 €(exercice d’imposition 2015) et à 25 % de la tranche allant de 15.220 € à 30.440 € (exercice d’imposition 2015). Au-delà de 30.440 €, il n’y a plus aucun forfait de frais.
2.2.3. L’article 344, § 1er, CIR : l’abus fiscal
2.2.3.1. Notion d’abus fiscal
En se prévalant de la loi du 16 juillet 2008, les contribuables ne pourraient cependant commettre un « abus fiscal ». L’article 344, § 1er, CIR constitue la nouvelle règle générale anti-abus en la matière et est rédigé comme ceci :
« N’est pas opposable à l’administration, l’acte juridique ni l’ensemble d’actes juridiques réalisant une même opération lorsque l’administration démontre par présomptions ou par d’autres moyens de preuve visés à l’article 340 et à la lumière de circonstances objectives, qu’il y a abus fiscal.
Il y a abus fiscal lorsque le contribuable réalise, par l’acte juridique ou l’ensemble d’actes juridiques qu’il a posé, l’une des opérations suivantes :
1°une opération par laquelle il se place en violation des objectifs d’une disposition du présent code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, en dehors du champ d’application de cette disposition ; ou,
2°une opération par laquelle il prétend à un avantage fiscal prévu par une disposition du présent code ou des arrêtés pris en exécution de celui-ci, dont l’octroi serait contraire aux objectifs de cette disposition et dont le but essentiel est l’obtention de cet avantage.
Il appartient au contribuable de prouver que le choix de cet acte juridique ou de cet ensemble d’actes juridiques se justifie par d’autres motifs que la volonté d’éviter les impôts sur les revenus.
Lorsque le contribuable ne fournit pas la preuve contraire, la base imposable et le calcul de l’impôt sont rétablis en manière telle que l’opération est soumise à un prélèvement conforme à l’objectif de la loi, comme si l’abus n’avait pas eu lieu. »
Les actes juridiques posés par les contribuables ne sont pas opposables au fisc lorsque l’administration démontre qu’il y a « abus fiscal ». L’abus fiscal peut prendre deux formes :
– un ou des actes juridiques constituent une opération par laquelle le contribuable se place hors d’atteinte d’une disposition du code ou de son arrêté d’exécution ; ou
– un ou des actes juridiques constituent une opération qui permet au contribuable de prétendre à un avantage fiscal prévu par le code ou son arrêté d’exécution et qui a essentiellement cet avantage pour but.
Dans l’un et l’autre cas, il faut que ce résultat soit contraire aux objectifs d’une disposition légale. Il ne faudra prendre en compte, au titre d’objectifs de la disposition évitée ou invoquée, que les seuls objectifs qui ont été exprimés par le législateur et de manière certaine. [60. D. GARABEDIAN, « La nouvelle règle générale anti-abus et l’ «objectif »des dispositions fiscales : portée, arbre de décision, cas pratiques », T.F.R., 2012, p. 752.]
L’application de la règle anti-abus ne sera possible que si le texte et les travaux préparatoires de la disposition évitée ou invoquée indiquent clairement l’objectif de cette disposition et si l’opération accomplie par le contribuable viole cet objectif au-delà de tout doute raisonnable.
Il appartiendra au fisc de démontrer qu’il y a abus fiscal, lorsqu’il le prétend.
Il ressort du texte que le fisc doit démontrer l’existence de deux éléments [61. C. DOCCLO, « Petit manuel d’utilisation de l’article 344, §1er CIR 1992 », T.F.R., 2012, p. 768.] :
– un élément matériel : la circonstance qu’un ou des actes juridiques permettent au contribuable d’échapper à l’application d’une disposition particulière ou qu’ils lui permettent de tirer avantage d’une disposition particulière, en contrariété avec l’objectif de cette disposition ;
– un élément intentionnel : le but du contribuable.
Le contribuable qui réalise une opération qui, dans la thèse de l’administration, est contraire à l’objectif d’une disposition, devra se préparer à prouver que son ou ses actes juridiques se justifient par d’autres motifs que la volonté d’éviter les impôts sur les revenus. La preuve du contribuable est celle d’un élément qui le dégage de l’application de l’article 344, § 1er, CIR.
A défaut de preuve contraire rapportée par le contribuable, l’article 344, § 1er, CIR permet à l’administration d’écarter la qualification juridique d’un acte, le sanctionnant de cette façon d’inopposabilité à son égard. L’administration devra soumettre alors l’opération à un prélèvement conforme à l’objectif de la loi.
2.2.3.2 Qualification comme droits d’auteur versus qualification au titre de rémunérations ou bénéfices
La question se pose alors de savoir si la transformation de revenus jusqu’alors considérés comme professionnels en revenus mobiliers par application de la loi du 16 juillet 2008 pourrait être constitutive d’un abus fiscal.
Pour répondre à cette interrogation, il est nécessaire d’examiner les objectifs de la loi.
La réforme opérée par la loi du 16 juillet 2008 poursuit deux objectifs :
- faire œuvre de simplification en définissant plus clairement le régime fiscal applicable aux droits d’auteur ; et
- aboutir à une taxation plus juste tenant compte de la capacité contributive réelle des auteurs.
Les travaux préparatoires de la loi précisent en effet textuellement que :
« La présente proposition de loi poursuit deux objectifs :
– d’une part, imposer les redevances de droits d’auteur et de droits voisins en éliminant le surcoût financier qu’ils subissent et qui découle de leur caractère irrégulier et aléatoire ;
– d’autre part, clarifier et simplifier les règles d’imposition de ces revenus au niveau de leur qualification, ensuite au niveau des forfaits de frais déductibles, enfin au niveau du paiement anticipéde l’impôt par voie de précompte mobilier. »
L’objectif de la loi est donc clair et, comme indiqué supra, il ne pourrait être question sur la base de la nouvelle loi de transformer demain en droits d’auteur des revenus qui constituent aujourd’hui des rémunérations ou des profits de professions libérales.
Cette position n’implique pas que les revenus qui, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, étaient imposés comme revenus professionnels, n’entreraient ipso iure pas en considération pour être imposés sous la nouvelle loi comme revenus mobiliers. S’il s’agit effectivement de revenus relatifs àla cession ou la concession de droits d’auteur ou de droits voisins, ces revenus doivent pouvoir bénéficier du nouveau régime, même si, sous l’ancien régime, ils étaient taxés comme des revenus professionnels. En décider autrement reviendrait à dire qu’une nouvelle loi ne pourrait pas être appliquée au seul motif que le régime était différent avant la nouvelle loi. Cela serait une position totalement illogique. [62. A. TIBERGHIEN, Manuel de droit fiscal, éd. 2011-2012, Kluwer, Malines, 2012, n°1073, 50, p. 105.]
On doit donc comprendre que le ministre a seulement voulu faire savoir qu’on ne peut pas abuser de la loi pour faire tomber sous le nouveau régime des rémunérations pour prestations professionnelles d’un travailleur ou d’un indépendant – autres que la cession ou concession des droits d’auteur. Cela ressort entre autres de l’exemple que l’on retrouve dans l’avis publié au Moniteur belge [63. « Avis aux débiteurs de droits d’auteur et de droits voisins au cours de l’année 2008 », M.B., 9 décembre 2008, p. 65489.]: l’employé qui est payé par son employeur (par ailleurs éditeur) pour rédiger des textes, perçoit une rémunération. Si ce texte est publié et que la publication donne droit à des droits d’auteur, ces derniers et seulement eux constituent des droits d’auteur. Pas de changement possible quant à la rémunération du bénéficiaire. La rémunération perçue par cet employé n’est pas « requalifiée » ni « requalifiable » en droit d’auteur.
Tant les termes de la convention que les éléments de fait sont importants pour discerner si les revenus peuvent bénéficier du nouveau régime. L’application du nouveau régime doit donc être appréciée au cas par cas. [64. A. TIBERGHIEN, o.c., p. 106.]
Le service du ruling a publié un certain nombre de décisions anticipées en ce qui concerne des situations dans lesquelles des indépendants reçoivent une rémunération pour la cession ou la concession des droits d’auteur.
A titre d’exemple, citons le ruling 900.415 qui se rapporte à un chargé de formations qui fait publier et exploiter par sa propre société les manuels qu’il rédige. La société lui paie à ce titre une rémunération, exprimée en un pourcentage du chiffre d’affaire qui est réalisée par la vente de ces livres et cours. Il y a aussi un contrat d’auteur montrant que l’auteur détient l’entièreté des droits d’auteur sur les textes et qu’il cède à l’éditeur le droit d’exploitation pour la publication des livres et des cours sous n’importe quelle forme. En outre, le chargé de cours perçoit aussi une rémunération pour ses prestations en tant que gérant et en tant que chargé de cours. La commission du ruling confirme que la rémunération perçue en tant qu’auteur est un revenu mobilier imposable.
L’AJP (Association des Journalistes professionnels) et les JFB (Journaux francophones belges) ont obtenu une décision anticipée du SPF Finances, Service des décisions anticipées (SDA), portant sur le traitement fiscal des revenus résultant de la cession de droits d’auteur des journalistes salariés de la presse écrite quotidienne du côté francophone [65. http://www.ajp.be/wp-content/uploads/2014/06/AJP-et-JFB-SDA-protocole-DEF.pdf.].
Le SDA a rendu le 27 mai 2014 une décision qui confirme ce caractère mobilier. Il constate que ces revenus, tels que fixés par la grille de tarification reprise dans le Protocole, résultent des négociations entre les parties concernées et qu’ils n’excéderont jamais 25% de l’enveloppe financière totale (salaire brut + droits d’auteur) attribuée à un journaliste visé par ce Protocole.
L’impact de cette décision peut être illustré comme suit : si un journaliste reçoit pour un mois donné un montant total brut (salaire + droits) de 2400 €, la part des droits d’auteur n’excèdera pas 600 €.
En conclusion : Puis-je transformer mes honoraires ou rémunérations de salarié en droits d’auteur ?
Non, la seule question à se poser est celle de savoir si les revenus considérés sont des revenus de droits d’auteur ou de droits voisins au sens de la loi du 30 juin 1994, ou pas.
Notons que l’avis publié au Moniteur belge du 9 décembre 2008 précise clairement qu’une requalification de revenus professionnels (rémunérant des prestations) en droits d’auteur est proscrite. Il conviendra donc d’éviter les requalifications « forcées » ou artificielles.
La loi du 16 juillet 2008 n’a pas pour vocation de transformer en droits d’auteur des revenus qui constituent des rémunérations de travailleurs salariés ou appointés ou des profits de professions libérales, charges ou offices.
Cela signifie que si des droits d’auteur étaient auparavant « mélangés » avec des rémunérations ou des profits, ils sont désormais taxés selon le régime applicable aux droits d’auteur. (la qualification du revenu n’a pas changé, c’est son régime de taxation qui est devenu logique) Mais ce qui constituait réellement des rémunérations de travailleurs, c’est-à-dire toutes rétributions qui constituent, pour le travailleur, le produit du travail au service de son employeur, conserve sa qualification de rémunérations.
Il en va de même pour les profits des titulaires de professions libérales, charges ou offices. Les recettes provenant de l’exercice d’une telle activité sont des revenus professionnels taxables à titre de profits. Il n’empêche pas bien entendu qu’un contribuable recueillant de tels revenus puisse également recueillir des droits d’auteur.
Aussi, un dirigeant de société pourrait très bien renoncer à la rémunération de son mandat et céder ou concéder une œuvre originale à sa société pour bénéficier d’un revenu mobilier, ces revenus étant considérés comme des droits d’auteur au sens de la loi du 30 juin 1994, l’opération ne pourrait tomber sous le camp d’application de l’abus fiscal.
2.2.4. Modalités pratiques
2.2.4.1. Déclaration et paiement du précompte mobilier par le débiteur, déclaration des revenus par le bénéficiaire
Il est seulement retenu un précompte mobilier de 15% sur les droits d’auteur versés aux auteurs après déduction des frais forfaitaires, à condition que le montant de ces revenus ne dépasse pas 57.080€. (revenus de l’exercice d’imposition 2015) Au-delà, ces revenus seront considérés comme des revenus professionnels.
Le précompte mobilier est en général retenu à la source, c’est-à-dire qu’il doit être versé spontanément aux receveurs des contributions par les soins de ceux qui paient ou qui attribuent les revenus imposables (ceux qu’on qualifie de débiteurs de revenus, par opposition aux bénéficiaires) ou de certains intermédiaires (banques, sociétés de bourses, etc.) et qu’on nomme, de ce fait, les redevables du précompte mobilier.
Le débiteur des revenus mobiliers devra déclarer et payer le précompte mobilier lorsqu’il attribue ou paie ces revenus au bénéficiaire. La déclaration au précompte mobilier doit être introduite endéans les 15 jours après la date d’attribution ou de mise en paiement des revenus imposables, c’est-à-dire la date à laquelle le bénéficiaire dispose réellement des revenus.
Cette déclaration peut être faite soit en ligne via le site internet du SPF Finances soit sur papier en utilisant la déclaration 273S pour les droits d’auteur (disponible sur Finances Belgium) à adresser au Bureau de taxation compétent.
Le précompte mobilier devra être versé au numéro de compte suivant :
BE79 6792 0022 1033
PCHQ BE BB
Centre de Perception, section Précompte Mobilier
Boulevard du Roi Albert II 33, bte 42
1030 Bruxelles
Pour plus d’informations relatives au paiement du précompte mobilier, vous pouvez consulter le site internet du SPF Finances.
Afin de s’assurer que la loi précitée du 16 juillet 2008 ne fasse pas l’objet d’une utilisation abusive, l’administration fiscale avait prévu l’obligation, pour les débiteurs des revenus de droits d’auteur, de remplir des fiches fiscales 281.45 (fiches individuelles) ainsi que des relevés de ces fiches individuelles (relevés 325.45), permettant notamment l’identification du débiteur des revenus, celle du bénéficiaire, le montant attribué et le montant des frais forfaitaires pris en compte.
Entre-temps, l’administration fiscale a fait savoir que l’introduction des fiches 281.45 (droits d’auteur) n’est plus obligatoire [66. Voy. Fisc. Act., n°22, p. 10.]. L’avis publié dans le Moniteur belge du 9 décembre 2008 et prévoyant ces fiches fiscales, ne se rapporte par conséquent qu’aux revenus de 2008. Pour les revenus des années ultérieures, il n’existe plus jusqu’à nouvel ordre, aucune disposition légale ou décision ministérielle imposant l’introduction de fiches et relevés récapitulatifs pour les droits d’auteur [67. Voy. la réponse du ministre des Finances, chargé de la Fonction publique du 23 septembre 2013, à la question n°505 de madame la députée Marie-Christine Marghem du 11 juillet 2013 (Fr.), Q.R., Chambre, 2012-2013, 4 octobre 2013, p. 546.], ce qui fait que chacun est libre d’introduire ou non les fiches[68. A. TIBERGHIEN, o.c., p. 86.].
Ces fiches, à l’heure actuelle facultatives, peuvent être téléchargées via le lien suivant : http://fiscus.fgov.be/interfaoiffr/DroitsAuteurRechten/inleiding.htm.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2012, le précompte mobilier n’est plus libératoire et la déclaration des revenus des droits d’auteur dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques est obligatoire.
3. TVA
3.1.Cession ou concession d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un droit d’auteur, d’un dessin ou modèle industriel, ou d’autres droits similaires ; octroi de licences concernant ces droits
3.1.1. Prestations de services soumises à TVA
L’opération de cession ou de concession d’un brevet, d’une marque de fabrique ou de commerce, d’un droit d’auteur, d’un dessin ou modèle industriel, ou d’autres droits similaires ou l’octroi de licences concernant ces droits, est une prestation de services (art. 18, § 1er, alinéa 2, 7°, CTVA).
L’opération de cession ou de concession de droits d’auteur est donc bien soumise à la TVA.
L’auteur cédant ou concédant ses droits d’auteur sur une œuvre originale à une autre personne (par exemple une personne morale) en échange d’une contrepartie financière et exerçant cette activité de manière habituelle (le concessionnaire effectuant plusieurs actes d’exploitation de l’œuvre) et indépendante (l’auteur n’étant pas lié dans le cadre d’un contrat de travail pour la concession de ces droits d’auteur) sera donc considéré comme un assujetti et redevable de la TVA.
Les droits intellectuels, tels que les droits dérivant d’un brevet, de l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce ou les droits d’auteur, ne sont pas attachés à une personne ; ils peuvent faire l’objet d’une transmission ou d’une concession de jouissance.
Si l’opération porte sur la propriété même du droit, on se trouve en présence d’une cession.
Si l’opération est limitée à la jouissance du droit, il s’agit d’une concession. Tant les cessions que les concessions sont visées par l’article 18, § 1er, alinéa 2, 7°, CTVA.
La nature de la convention en vertu de laquelle la cession ou la concession a lieu, importe peu.
Les droits intellectuels visés par l’article 18, § 1er, alinéa 2, 7°, CTVA sont notamment :
- les droits dérivant d’un brevet d’invention et protégés par la loi sur les brevets ;
- le droit incorporel qu’un inventeur peut posséder sur un procédé de fabrication non breveté ;
- les droits reconnus par la législation en vigueur sur les marques de fabrique et de commerce ;
- les droits que la législation sur les droits d’auteur reconnaît à tout auteur d’une œuvre littéraire ou artistique ;
- le droit d’exposer publiquement le portrait d’une personne ;
- le droit d’utiliser un nom commercial ;
- le droit d’utiliser une enseigne.
Constituent des prestations de services au sens de l’article 18, § 1er, alinéa 2, 7°, CTVA :
- la cession ou la concession du droit de représenter en public une œuvre théâtrale ou autre ;
- l’exécution de prestations dites de « lay out » ;
- la cession ou la concession d’un droit d’auteur dans le cadre d’un contrat d’édition.
Toutefois, l’article 44, § 3, 3°, CTVA exempte les contrats d’édition d’œuvres littéraires et artistiques conclus par les auteurs ou les compositeurs.
3.1.2 Taux applicable
3.1.2.1. Principe
Quant au tarif de la TVA applicable à une telle opération, la rubrique XXIX du tableau A annexé à l’arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux est libellée comme suit:
« XXIX. Droits d’auteur; exécution de concerts et de spectacles.
1. Les cessions et concessions de droits d’auteur, à l’exception de celles portant sur des programmes d’ordinateur.
2. Les prestations de services ayant pour objet l’exécution d’œuvres théâtrales, chorégraphiques, musicales, de spectacles de cirque, de music-hall ou de cabaret artistique et d’activités similaires, qui relèvent de l’activité normale des acteurs, chefs d’orchestre, musiciens et autres artistes, même si ces prestations de services sont fournies par une personne morale, une association de fait ou un groupement.
Sont exclues de cette rubrique les prestations de services relatives à la publicité ».
Pour ces opérations, la TVA sera calculée au tarif de 6%.
Il convient ici d’attirer l’attention que l’arrêté royal n° 20 stipule que ce taux de 6% est d’application sur la cession et concession de droits d’auteur, à l’exception de ceux qui se rapportent à des programmes informatiques. Pour ces dernières opérations, le taux de 21% sera applicable.
3.1.2.2. Exception
Dans sa circulaire n° 166 du 25 novembre 1971, l’Administration a instauré une exception à ce taux de 6%. Si les auteurs font appel à la Sabam ou à une autre société ou à une autre société qui répond du recouvrement des indemnités pour la représentation publique d’œuvres artistiques, ils ne sont pas considérés comme des assujettis à la TVA. Si ces auteurs n’exercent pas d’autres activités n’exercent pas d’autres activités assujetties à la TVA, ils ne devront donc pas demander de numéro de TVA.
3.2. Contrats d’édition : exemption de TVA
Sont exemptés, les contrats d’édition d’œuvres littéraires ou artistiques conclus par les auteurs ou compositeurs.
3.2.1. Conditions de l’exonération
L’exonération est subordonnée au respect des trois conditions suivantes :
- l’opération doit être un contrat d’édition, l’édition supposant la reproduction de l’œuvre cédée ou concédée sous la forme matérielle d’exemplaires durables, multipliés en quantités suffisantes en vue d’être mis à la disposition du public;
- l’opération doit être conclue avec l’auteur ou le compositeur de l’œuvre littéraire ou artistique; toutefois, selon la jurisprudence des tribunaux, seules les personnes physiques peuvent être considérées comme auteurs d’une œuvre littéraire ou artistique (Décision E.T. 13.653 du 01.12.1972 – Revue de la TVA n° 11, p. 199, n° 366);
- le contrat d’édition doit porter sur une œuvre littéraire ou artistique. Ces termes comprennent toutes les productions des domaines littéraire, scientifique et artistique, tels que les livres de tout genre (romans, ouvrages techniques, bandes dessinées, livres dans lesquels les illustrations occupent une place essentielle,…), les brochures, textes d’articles de presse, de conférences, d’allocutions, d’homélies et d’autres écrits de même nature, les textes de sketches, les scénarios et dialogues de pièces de théâtre et de films, les adaptations de romans pour la scène et pour l’écran; les compositions musicales avec ou sans paroles; les notations chorégraphiques et les descriptions de pantomimes; les œuvres de l’art dramatique et dramatico-musical; les œuvres cinématographiques, télévisuelles et, plus généralement, audiovisuelles (en ce compris les émissions de télévision ou de radio « en direct », les interviews, les spots publicitaires, les « clips » musicaux, les jeux vidéo, les montages de diapositives); les œuvres de dessin et les bandes dessinées, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie; les œuvres photographiques; les œuvres des arts appliqués; les plans, croquis, cartes et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’histoire, à l’architecture, aux sciences, etc. Chap. X : exonérations 813 (1er février 2010).
Aucune distinction ne doit en revanche être établie quant au mode de mise à disposition du public et, dès lors, quant à la forme du support. Toutes les techniques entrent en ligne de compte, du papier au numérique et aux sites internet.
A noter que ne sont pas exonérés :
- le contrat d’édition conclu avec une personne autre que l’auteur ou le compositeur, notamment le contrat d’édition conclu entre deux éditeurs;
- la convention par laquelle un auteur, un compositeur ou un photographe se borne à autoriser la reproduction ou l’exécution de son œuvre, le cocontractant ne prenant pas l’engagement de la publier;
- les sommes que les organisateurs de spectacles, de concerts, de fêtes ou de divertissement, les exploitants de débits de boissons, de dancings ou de jukeboxes et les organismes de radiodiffusion ou de télévision, établis dans le pays, versent aux auteurs et aux compositeurs, directement ou à l’intervention des sociétés de droits d’auteur, pour la représentation, l’exécution ou la retransmission publique d’une œuvre littéraire, dramatique, dramatico-musicale ou musicale (v. circ. 142/1971 du 24.09.1971);
- les contrats d’édition d’œuvres littéraires ou artistiques conclus par une personne morale (v. sub. 2°).
3.3. Les auteurs, assujettis soumis au régime de la franchise
Si l’activité économique poursuivie par l’auteur assujetti ne génère pas, annuellement, un chiffre d’affaires qui dépasse le seuil de 5.580 € [69. Régime de la franchise instauré par l’article 56, §2 du CTVA qui oblige néanmoins l’assujetti à se faire identifier à la TVA et à émettre des factures. Voyez l’AR n°20 fixant les taux en matière de TVA.], l’auteur, bien qu’assujetti à la TVA, ne devra pas porter de TVA en compte à ses commanditaires.
Ne perdons pas de vue que pour le calcul de ce seuil, l’auteur devra tenir compte des revenus que lui procurent certaines de ses autres activités.
3.4. Modalités pratiques de l’assujettissement
L’auteur non assujetti à la TVA et qui désire procéder à des opérations de concession de ses droits d’auteur répondant aux conditions de l’article 4 CTVA (voy. point 1 ci-dessus), devra demander un numéro d’entreprise et s’identifier à la TVA.
3.4.1. Exception
Avant de commencer son activité et de demander l’identification à la TVA, l’entreprise doit s’inscrire auprès de la Banque Carrefour des Entreprises (BCE) qui lui attribuera un numéro d’entreprise.
Le numéro d’entreprise est composé de dix chiffres commençant par le chiffre «0».
Il constitue un numéro unique d’identification de l’entreprise tant pour les contacts avec les services publics (TVA, ONSS, registre de commerce…) que pour les entreprises entre elles.
L’assujetti peut pour cela s’adresser au guichet d’entreprise de son choix.
3.4.2. Demande d’identification à la TVA
Un formulaire de demande d’identification à la TVA doit ensuite – mais avant le début d’activité – être complété et déposé à l’office de contrôle TVA compétent.
L’auteur peut toujours se rendre directement auprès de l’office de contrôle TVA compétent, et compléter sur place le document nécessaire (formulaire 604A).
L’assujetti peut aussi se charger lui-même de cette formalité, en se procurant le formulaire de demande d’identification et en le renvoyant à l’office de contrôle TVA.
Il peut enfin faire exécuter, moyennant rémunération, cette formalité par le guichet d’entreprises agréé, ou un tiers dûment mandaté (comptable, avocat,…).
L’office de contrôle de TVA active ensuite le numéro d’entreprise préalablement attribué par la BCE comme numéro d’identification à la TVA, puis en informe l’assujetti par lettre recommandée.
Le formulaire 604A est téléchargeable via le lien suivant : http://www.fiscus.fgov.be/interfaoiffr/Identification_TVA/PDF/1K_0000604A_FR_2009.pdf.
Pour les personnes physiques établies en Belgique: l’office de contrôle TVA compétent est déterminé en fonction du domicile officiel de la personne physique. Les coordonnées de l’office de contrôle TVA compétent peuvent être obtenues en consultant l’annuaire des administrations fiscales via ce lien : http://ccff02.minfin.fgov.be/annucomp/UI01_13_act01_loadSearch.do#resultaat.
Toute modification des informations reprises (telles que : dénomination, adresse, nature de l’activité…) dans le formulaire 604 A doit être déclarée auprès de l’office de contrôle TVA au moyen du formulaire 604B (disponible sur http://www.fiscus.fgov.be/interfaoiffr/Identification_TVA/PDF/1K_0000604B_FR_2009.pdf) qui doit être déposé dans un délai d’un mois à dater du moment où la modification est intervenue.
Il en va de même lorsque l’assujetti cesse d’exercer toute activité économique lui conférant la qualité d’assujetti. Il doit alors en faire la déclaration au moyen du formulaire 604 C (disponible sur http://www.fiscus.fgov.be/interfaoiffr/Identification_TVA/PDF/1K_0000604C_FR_1105.pdf) à déposer également auprès de l’office de contrôle TVA compétent dans un délai d’un mois àdater de la cessation de son activité.
4. La convention de cession ou de concession de droits d’auteur
4.1. Modèle de convention
Un modèle de convention est joint au présent avis.
4.2. Rémunération de l’auteur
L’estimation de la valeur de l’œuvre, et donc de la rémunération de l’auteur, n’est pas un exercice aisé.
Ni la loi du 30 juin 1994, ni celle du 16 juillet 2008 ne sont d’une grande aide, puisqu’elles n’apportent aucune indication quant àce.
La circulaire AGFisc N° 36/2014 (n° Ci.RH.231/631.675) d.d. 04.09.2014 est très claire à ce sujet :
“9. Sur le plan fiscal, il n’existe aucun barème ou forfait de référence en matière de détermination des revenus imposables àtitre de revenus de droits d’auteur.
10. La ventilation éventuelle entre revenus mobiliers et revenus professionnels sera a priori opérée sur la base des termes de la convention, qui traduisent la volontédes parties.
Il convient dès lors d’examiner les clauses contractuelles aux fins d’identifier la portée de la convention et les modalités de rémunération des prestations en fonction de leur nature. Il en va de même lorsque la cession du droit d’auteur est actée dans un statut.
Le mode de rétribution n’est pas en soi un élément qui permet de trancher dans le sens de l’existence de revenus de droits d’auteur. Par exemple, une rétribution au forfait n’implique pas qu’il s’agisse d’office de revenus mobiliers visés à l’art. 17, §1er, 5°, CIR 92.”
En conséquence, la rémunération de l’auteur est laissée à l’appréciation des cocontractants.
En général, il s’agira d’un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par la société, calculé en fonction de la valeur de l’apport de l’œuvre pour celle-ci.
4.3. Règles relatives au conflit d’intérêt
En matière d’optimisation fiscale par le droit d’auteur, la pratique nous a permis de constater que, bien souvent, l’auteur est également gérant de la société à qui les droits sont concédés.
Il en résulte un conflit d’intérêt, puisque l’auteur et sa société ont des intérêts opposés quant au prix à payer.
Pour éviter que l’auteur ne lèse la société qu’il gère, le Code des sociétés a prévu une procédure particulière pour chaque type de société. Si cette procédure n’est pas suivie et qu’il apparaît ensuite que le « deal » n’a pas été conclu aux conditions du marché, le gérant risque de voir sa responsabilité personnelle engagée.
4.3.1. Pour les SA
Conformément à l’article 523 du Code des sociétés, un administrateur d’une société anonyme qui a « directement ou indirectement, un intérêt opposéde nature patrimoniale àune décision ou àune opération relevant du Conseil d’administration », est tenu de respecter une procédure particulière.
Avant que le conseil d’administration ne prenne une décision, l’administrateur doit informer les autres administrateurs de son intérêt opposé.
L’administrateur concerné doit expliquer les raisons justifiant son intérêt opposé et celles-ci doivent figurer dans le procès-verbal du Conseil d’administration.
Si la société a nommé un/plusieurs commissaires, ces derniers doivent également être informés de l’intérêt opposé.
Le Conseil d’administration doit décrire la nature de la décision ou de l’opération et en justifier les conséquences patrimoniales dans le procès-verbal.
Le tout est alors repris dans un rapport de gestion (ou dans un rapport publié en même temps que les comptes annuels si la société n’est pas tenue de déposer un rapport de gestion).
L’administrateur ayant un intérêt opposé peut participer aux délibérations et prendre part au vote, sauf si les statuts en disposent autrement.
4.3.2. Pour les SPRL
En matière de SPRL, la procédure est équivalente à ce qui est prévu pour les sociétés anonymes.
L’article 259 du Code des sociétés prévoit, en matière de SPRL que : « Le membre d’un collège de gestion qui a, directement ou indirectement, un intérêt opposéde nature patrimoniale àune décision ou àune opération soumise au collège de gestion, est tenu de le communiquer aux autres gérants avant la délibération au collège de gestion. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l’intérêt opposéqui existe dans le chef du gérant concerné, doivent figurer dans le procès-verbal du collège de gestion qui devra prendre la décision ».
Tout comme en matière de SA, c’est soit dans le rapport de gestion, soit à défaut, par un dépôt en même temps que les comptes annuels, que « le conseil d’administration décrit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l’opération visée àl’alinéa 1er et une justification de la décision qui a étéprise ainsi que les conséquences patrimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient l’entièretédu procès-verbal viséci-avant ».
4.3.3. Pour les SPRLU gérées par un seul gérant
L’article 261 du Code des sociétés prévoit, pour les SPRLU (à associé unique) gérées par un seul gérant, que ce dernier pourra prendre la décision seul mais devra rédiger un document rendant compte du conflit d’intérêt qui s’est présenté, qu’il déposera en même temps que les comptes annuels.
4.3.4. Pour les SPRL –gérant unique
L’article 260 du Code des sociétés prévoit, pour les SPRL ne comprenant pas de collège de gestion, que le gérant devra informer l’assemblée générale du conflit d’intérêt et convoquer cette même assemblée générale pour que cette dernière nomme un mandataire ad hoc qui conclura, en toute indépendance, l’opération qui faisait naître le conflit d’intérêts.
En pratique, il faudra donc convoquer l’assemblée générale. Le procès-verbal de l’assemblée générale devra contenir une déclaration du gérant par laquelle il informe ses membres de l’existence du conflit. Seront ainsi mentionnées toutes les explications données par le gérant spontanément ou sur question des membres de l’assemblée.
Le procès-verbal devra également contenir une description de la nature de l’opération, une justification de la décision prise (quels sont les motifs financiers et d’opportunité ?) ainsi que les conséquences patrimoniales de cette opération pour la société.
En ce qui concerne le choix du mandataire ad hoc par l’assemblée, il n’y a pas de règles en la matière. L’assemblée est libre de désigner qui elle veut, pour autant que la personne choisie ne soit pas également impliquée dans l’opération. Il pourrait donc s’agir d’un coassocié, de votre comptable ou encore de votre avocat.
5. Ressources
5.1 Les avantages fiscaux des droits d’auteurs et droits voisins
5.2 Communication Libre
5.3 Optimisations fiscales et sociales des droits d’auteur perçus en échange de la concession ou cession d’une œuvre originale
5.4 De l’enfer au paradis fiscal Belge
De l’enfer au paradis fiscal Belge en image