Au terme des articles 1109, 1116 et 1117 du code civil, le dol est un vice de consentement. Il constitue « un abus du droit de contracter librement » Le dol requiert l’existence de manœuvres frauduleuses (§1). Ces manœuvres doivent avoir une incidence sur la conclusion du contrat (§2). Et enfin, elles doivent émanées d’une des parties à la convention (§3). Le dol implique des manœuvres ou des artifices qui ont pour objet de provoquer l’erreur dans le chef de la partie avec laquelle l’auteur du dol contracte. Ces manœuvres, la doctrine majoritaire les classe parmi « les éléments matériels [8]» qui comprennent également les mensonges et la réticence. Les manœuvres consistent en d’autres termes en des « actes positifs accomplis en vue d’induire l’erreur dans la partie adverse [9]». L’auteur du dol doit avoir l’intention de tromper l’autre partie. Cette intention de tromper est déterminé par la doctrine dominante comme « l’élément psychologique nécessaire en matière de dol[10] » appelé aussi élément intentionnel. Le dol implique la notion de manœuvre au sens large du terme : « il peut s’agir d’actes « combinés » en vue de tromperies mais aussi [d’un] simple mensonge, même verbal, et de la réticence, à l’exception d’artifices inoffensifs »[11]. Il faut que ces manœuvres aient eu une incidence sur le consentement du cocontractant, de telle sorte qu’en l’absence de ces manœuvres, la victime n’aurait pas contracté ou aurait contracté à d’autres conditions plus favorables[12]. Elles doivent provoquer « une discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée[13] » dans le chef de la victime du dol. En vertu de l’article 1116 du code civil « le dol n’est une cause de nullité que lorsque les manœuvres ont été pratiquées par l’une des parties [14]». En principe, lorsque les manœuvres émanent d’un tiers, elles n’ont pas d’effet sur la validité de la convention. La victime du dol peut néanmoins intenter une action en dommages et intérêts à l’encontre du tiers sur base de la responsabilité extra-contractuelle[15]. Cependant, le dol d’un tiers au contrat peut mener à l’annulation de la convention si celui-ci est le représentant du cocontractant ou s’il agit comme complice de ce dernier[16]. Le dol est une notion polysémique qui se prête à plusieurs interprétations. Il est consacré dans le code civil sous deux acceptions fort différentes. L’article 1116 du code civil[2] dispose que « le dol est une clause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé». Eu égard à cette disposition du code civil, la doctrine contemporaine définit le dol comme suit : « l’emploi de moyens répréhensibles par une personne, avec pour but et pour effet d’en tromper une autre et de la décider à accomplir un acte juridique, sous l’influence de l’erreur ainsi créée dans son esprit[3] ». On en conclut que, le dol est un vice de consentement[4] et ce en raison de l’erreur incité par l’auteur du dol à la victime[5]. Au terme des articles 1150, 1151 et 1153 du code civil, le législateur emploi le mot dol au sens de la faute contractuelle, dolosive et intentionnelle qui se traduit par « l’inexécution intentionnelle d’une obligation »[6]. Le dol est alors sanctionné par la mise en cause d’une responsabilité dite contractuelle et le cas échéant par l’annulation du contrat[7]. III-La réticence dolosive Bien que la doctrine et la jurisprudence majoritaire considèrent la réticence comme une manœuvre à la source du dol. Le caractère dolosif de la réticence est controversé. La question qui se pose est de savoir; à quelles conditions peut-on considérer un silence comme étant une réticence dolosive? Condition de la réticence dolosive Le silence peut être assimilé au dol dans deux hypothèses. Premièrement, lorsque le silence est suivi de manœuvres ou de déclarations fausses[17]. Deuxièmement, lorsqu’un des cocontractants, déloyal, avait l’obligation de s’exprimer soit en vertu de la loi soit en vertu de la nature même du contrat qui impliquait des rapports de confiances mutuels entre les parties ou encore en raison des circonstances de confiances dans lesquelles devaient se dérouler les négociations du contrat[18]. La réticence dolosive est-elle constitutive de dol ? Le silence lui-même n’est pas constitutif de dol. Au moment de la conclusion d’un acte juridique bilatéral ou multilatéral, le négociateur peut décider de garder le silence pour différentes raisons : soit parce qu’il ne sait rien ou soit parce qu’il estime de bonne foi que les informations qu’il a en sa possession ne sont d’aucun intérêt pour le cocontractant. Dans quelle mesure pourrait-on assimiler le silence d’une des parties à la conclusion d’un contrat à une réticence dolosive? Selon la doctrine et la jurisprudence prépondérantes, il n’existe aucune obligation de renseignements qui imposerait à une personne de révéler à la partie contractante des informations qu’elle aurait en sa possession et qu’elle considérait comme inutile dans le cadre de la conclusion du contrat[19]. Cependant, une jurisprudence constante[20]affirme que la réticence peut, dans certaines situations être à l’origine du dol. Par exemple, lorsque l’autre partie n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance des faits qu’elle ignorait au moment de la conclusion de l’acte juridique[21] ou si ayant eu connaissance des faits, elle aurait contracté à des conditions moins onéreuses[22]. Dans tous les cas, le silence suffit uniquement dans la mesure où l’intention dolosive de son auteur est établie[23]. Il faut prouver la mauvaise foi de la personne qui s’est prévalue du silence[24]. Cela permet en outre de protéger les cocontractants contre une application arbitraire de l’hypothèse de la réticence[25]. [1] L. CORNELIS, « Le dol dans la formation du contrat », note, R.C.J.B., 1976, p. 48. [2] Le dol comme vice de consentement fera l’objet de du travail. [3] C. GOUX, « L’erreur, le dol et la lésion qualifiée : analyse et comparaisons », R.D.C., 2000, p.9. [4] L’article 1109 du code civil reconnait le dol comme étant un vice de consentement avec la violence et l’erreur. [5] P. WERY, Précis, Droit des obligations, Théorie général du contrat, vol.1, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 225. [6] P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, tome I, Introduction Sources des obligations (première partie), Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 248. [7] P. WERY, Précis, Droit des obligations, Théorie général du contrat, vol.1, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 225. [8] C. Goux, « L’erreur, le dol et la lésion qualifiée : analyse et comparaisons », R.D.C., 2000, p 20. [9] A. COIBIONS, « Le dol en matière de conventions de cessions d’actions. La revanche de l’ingénu. », note, R.D.C, 2001, p 51. [10] C. GOUX, « L’erreur, le dol et la lésion qualifiée : analyse et comparaisons », R.D.C., 2000, p 20. [11] Cass. (3e ch.), 10 novembre 2008, J.T.T., 2009, p. 20. [12] M.COIPEL, Eléments de théorie générale des contrats, Diegem, Kluwer, 1999. [13] P.VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, tome I, Introduction Sources des obligations (première partie), Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 248. [14] A. COIBIONS, « Le dol en matière de conventions de cessions d’actions. La revanche de l’ingénu. », note, R.D.C, 2001, p. 53. [15] Ibidem, p. 53. [16] Ibidem, p. 53. [17] A.COIBIONS, « Le dol en matière de conventions de cessions d’actions. La revanche de l’ingénu. », note, R.D.C, 2001, p. 51. [18] Ibidem, p. 51. [19] P. WERY, Précis, Droit des obligations, Théorie général du contrat, vol.1, Bruxelles, Larcier, 2010, p.227. [20] Voy., à titre d’exemple : Mons, 14 novembre 2006, R.D.C, 2008, p. 164 ; Cass. (1re ch.), 16 septembre 1999, R.G.D.C, 2000, p.51. [21] A. PUTTERMANS et autres, « Aspects récents du droit des contrats », le dol, Sous la direction de P.A. FORIERS, Bruxelles Editions du jeune barreau de Bruxelles, 2001, p. 29. [22] Y. DE CORDT, « la réticence dolosive et le devoir de loyauté dans le cadre des cessions d’actions », note, 14 novembre 2006, R.D.C., 2008, p. 167. [23] L. CORNELIS, « Le dol dans la formation du contrat », note, R.C.J.B., 1976, p.50. [24] Ibidem, p. 50. [25] Ibidem, p.50. I- Les caractéristique du dol
II-L’ambiguïté de la notion du dol
La réticence dolosive est-elle constitutive de dol?
[1]ainsi qu’une atteinte à la bonne foi requise dans la conclusion des actes juridiques. Cet article se penchera sur les caractéristiques du dol afin de déterminer si la réticence dolosive est constitutive de dol.