Il n’existe meilleure expression décrivant mieux le belge que : « Avoir une brique dans le ventre ». Bien que l’acquisition d’un bien immobilier soit souvent un grand et heureux évènement dans la vie de chacun, il n’est pas rare que les nouveaux acquéreurs constatent assez rapidement des défauts à ce point importants qu’ils rendent impropre l’usage du bien immobilier acquis. L’acquéreur d’un bien immobilier dispose-t-il d’une garantie contre les vices cachés ? Qu’en est-il si une clause exonératoire de la garantie est prévue dans le contrat de vente? Telles sont les questions auxquelles nous allons répondre.

  1. La garantie des vices cachés en matière de vente

Le fondement juridique de cette matière sont les articles 1641 à 1648 du Code civil.

Selon l’article 1641 du Code civil « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus »[1] ;

Ainsi, les conditions pour pouvoir se prévaloir de cette garantie sont les suivantes :

  • Il doit s’agir d’un vice ;
  • Ce vice doit être caché ;
  • Le vice doit être antérieur à la vente.

Selon le Code civil, l’acquéreur d’un bien ayant un vice caché bénéficie d’une action en justice devant être intentée dans un bref délai.[2]

La Cour d’appel de Mons dans son arrêt du 15 juin 2009 a précisé les raisons d’un tel délai. En effet, selon la même Cour : « La raison d’être de ce bref délai s’appuie sur plusieurs motifs, s’expliquant chacun par l’intérêt du vendeur ou de l’acheteur. D’abord, l’écoulement d’un trop long délai rend difficile la preuve de l’existence du vice avant la vente. Ensuite, le fait pour l’acheteur de ne pas protester rapidement peut également être interprété comme une agréation du vice. Le vendeur a, de même, avantage à voir cette contestation soulevée le plus tôt possible afin de pouvoir introduire un recours contre son propre vendeur. Enfin, la rédhibition de la chose risque d’être remise en cause après une trop longue utilisation ».[3]

Ainsi, le bref délai de l’article 1648 du Code civil est laissé à l’appréciation du juge de fond qui tiendra compte de toutes les circonstances de l’espèce.[4]

Les conditions d’application de la garantie étant remplies, l’article 1644 du Code civil dispose que : « Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts ».

Ainsi, selon cet article, l’acquéreur d’un bien qui remplit les conditions de l’article 1641 et 1643, a le choix entre une action rédhibitoire et une action estimatoire.

  1. La clause exonératoire

Il vient d’être précisé dans le paragraphe précédent que l’acquéreur d’un bien immobilier bénéficie une garantie contre son vendeur s’il en remplit les conditions. C’est pour cette raison que de plus en plus de vendeur n’ont de cesse de prévoir dans des contrats ou des compromis de vente une clause exonératoire de la garantie de l’article 1648 du Code civil.

Ainsi, à l’heure actuelle, rares sont les vendeurs d’immeubles qui ne pensent pas à inclure une telle clause qui les exonèrerait de l’obligation d’assurer aux nouveaux acquéreurs la garantie des vices cachés.

La Cour de Cassation dans son arrêt du 24 avril 2003, une telle clause est parfaitement légale. En effet, la même Cour a décidé qu’ « Attendu que, pour le surplus, se fondant sur une stipulation du cahier des charges de la vente publique de l’immeuble litigieux, l’arrêt énonce qu’ « en l’espèce, les acheteurs ont acheté le bien immobilier dans l’état où il se trouv(ait) au moment de la vente » ;

Que l’arrêt considère ainsi que les parties ont conventionnellement exclu que l’état de l’immeuble puisse être invoqué par les acheteurs comme un élément les ayant déterminés principalement à contracter, de sorte que, sans cet élément, le contrat n’aurait pas été conclu ;

Que, sur la base de cette considération, l’arrêt décide légalement que les acheteurs ne peuvent faire valoir la découverte de la mérule postérieurement à la vente pour demander l’annulation de la vente du chef d’erreur ; »[5].

Selon l’avocat Gilles Carnoy, spécialiste en la matière, « La formulation « dans l’état où il se trouve » ne constitue pas une exonération valable de cette garantie sauf pour les vices qui sont prévisibles du fait de l’état apparent de l’immeuble ».[6]

Les vendeurs d’immeubles devraient garder à l’esprit que cette prérogative qui leur est reconnue autant par la doctrine que par la jurisprudence connait certaines limites.

En effet, selon que le vendeur est un professionnel/spécialiste ou non, les conséquences sont différentes. Dans le premier cas, il existe une présomption réfragable de la connaissance d’un tel vice.

Cela voudrait-il dire que le vendeur non professionnel qui aurait prévu une clause exonératoire dans un contrat de vente d’immeuble se verra exonéré pour toujours de la garantie des vices cachés ?

La réponse à cette question est négative. Il reste en effet un cas de figure dans lequel le vendeur non professionnel reste tenu de garantir les vices cachés. Il s’agit de la mauvaise foi du vendeur, en d’autre terme, de la connaissance d’un vice caché par le vendeur au moment de la vente.

En conclusion, nous ne pouvons que conseiller le lecteur, potentiel futur acquéreur d’un bien immobilier, de redoubler d’attention lors de la signature d’un contrat ou compromis de vente comportant une éventuelle clause exonératoire de garantie.

 

 

 

 

[1] Code civil, Article 1641.

[2] Code civil, Article 1648.

[3] Cour d’appel de Mons (13ème Ch.), Arrêt du 15 juin 2009.

[4] Cour d’appel de Mons, Arrêt du 17 septembre 2002.

[5] Cour de Cassation (1ère ch.), Arrêt du 24 avril 2003 ; Nous soulignons.

[6] Gilles Carnoy, «  Carnet de route en droit immobilier », 4 juin 2010, Nous soulignons, http://gillescarnoy.be/2010/06/04/le-bien-est-vendu-dans-letat-ou-il-se-trouve/