Le « Salary split »
Nous envisageons la situation d’un cadre international exerçant son activité professionnelle dans 4 pays différents, une répartition de 25% du salaire dans chaque pays permettant dès lors de réduire fortement la pression fiscale pesant sur les revenus perçus.
Ces 4 pays dans lesquels le contribuable preste ses services sont la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Angleterre.
1. Présentation du mécanisme
Le salary split est un système de fractionnement de la rémunération basé sur l’application des conventions internationales préventives de la double imposition.
Le principe consiste « diviser » sa base taxable entre plusieurs juridictions et donc à payer de l’impôt dans plusieurs pays. Le résident fiscal belge obtient ainsi l’exonération en Belgique des revenus d’ores et déjà taxés à l’étranger et une réduction de la charge fiscale sur l’ensemble de ses revenus.
Le salary split s’applique aussi bien pour les administrateurs que pour les employés et indépendants.
Nous examinons ici la situation d’un employé et nous référons à l’article 15 des conventions préventives de la double imposition établies sur le modèle OCDE.
Cet article 15 figure dans les conventions signées entre la Belgique, pays de résidence fiscale du contribuable et les Pays-Bas, le Luxembourg et le Royaume-Uni.
Le principe énoncé dans l’article 15 est que la rémunération de l’employé est imposable dans l’Etat de résidence, à moins que l’activité ne soit exercée dans un autre Etat.
Pour pouvoir bénéficier du salary split, l’activité doit être effective dans l’autre Etat et il ne suffit pas de délocaliser le seul paiement : la présence physique dans l’autre pays doit en règle être prouvée.
Concernant les activités salariées, le critère de la présence physique est important alors que concernant un administrateur de société, le critère de la présence physique n’est pas prédominant puisque dans cette hypothèse, seul l’Etat d’établissement de la société est pertinent.
L’article 15 al. 2 précise que la rémunération est imposable dans l’Etat de résidence et non l’Etat de la source si :
- le travailleur n’est pas présent à l’étranger plus de 183 jours par « période »; et
- la rémunération n’est pas payée ou supportée par un employeur étranger; et
- la rémunération n’est pas à charge d’un établissement stable de l’employeur étranger.
En d’autres termes, si les 3 conditions cumulatives sont réunies dans le chef du contribuable, ce dernier ne pourra profiter du mécanisme du salary split quand bien même il exercerait des activités dans d’autres pays que la Belgique.
2. Méthodes de salary split
Il découle a contrario de cet alinéa 2 de l’article 15, que l’organisation d’un salary split peut se réaliser via trois méthodes.
2.1. Méthode 1: plus de 183 jours par période à l’étranger
Le problème de cette méthode réside d’en l’interprétation du terme « période ».
Ainsi, pour les Pays-Bas, le Luxembourg et le Royaume-Uni, il s’agit d’une période de 12 mois.
Quant à la Belgique, elle tient compte vis-à-vis des Pays-Bas de la période de 12 mois qui commence ou se termine dans la période imposable.
Pour ce qui concerne le Royaume-Uni, la Belgique tient compte de toute période de 12 mois sans autre conditions.
Enfin vis-à-vis du Luxembourg, les 183 jours doivent être compris dans toute période de 12 mois commençant ou se terminant durant l’année civile considérée.
2.2. Méthode 2: le salaire est payé ou supporté par la société étrangère
Pour que cette méthode soit applicable, il convient de vérifier deux éléments :
- il faut impérativement vérifier que l’employé ait un employeur dans le pays étranger ; et
- que cet employeur supporte la rémunération.
Il faut donc intégrer le critère de subordination en ce sens que l’employé ne doit plus être sous l’autorité de la société résidente mais bien sous celle de la société étrangère.
En outre, la société étrangère ne peut refacturer la rémunération de l’employé à la société qui le détache.
2.3. Méthode 3: le salaire est supporté par un établissement stable de l’employeur résident dans l’Etat d’exercice de l’activité
Il s’agit de l’hypothèse où un résident fiscal d’un Etat part travailler dans un autre Etat pour le compte de l’employeur résident. L’exercice de cette activité se ferait par le biais d’un établissement stable de l’employeur dans l’Etat d’activité.
3. Sécurité sociale dans le cadre d’un salary split
Etant donné le caractère purement communautaire de la situation envisagée, les aspects de sécurité sociale sont directement liés au règlement européen 883/2004.
Le régime belge de sécurité sociale s’applique au travailleur, quelle que soit sa nationalité, qui exerce des activités en Belgique et:
- dont l’employeur est établi en Belgique; ou
- dont l’employeur est établi à l’étranger mais dispose d’un siège d’exploitation en Belgique dont relève le travailleur.
Ainsi, l’employeur qui occupe un travailleur dans plusieurs Etats pourrait être tenu de s’affilier auprès des organismes de Sécurité sociale de chacun des Etats où le travailleur exerce son activité.
Cependant, compte tenu de la libre circulation des travailleurs prônée par l’Union européenne, une telle situation ferait obstacle à celle-ci.
Par conséquent, deux règlements ont été instaurés, le règlement européen n° 1408/71 relatif à la coordination des régimes de Sécurité sociale au sein de la Communauté européenne, remplacé par le règlement n° 883/2004 à partir du 1e mai 2010.
Le règlement 1408/71 reste d’application dans certains cas antérieurs au 1er mai 2010.
Seul le règlement n° 883/2004 serait applicable dans l’hypothèse envisagée. Ce règlement reconnait les grands principes des conventions internationales de sécurité sociale auxquels le règlement se substitue pour ce qui concerne les relations entre les Etats membres, soit les principes de:
- L’unicité de la législation applicable;
- La conservation des droits acquis;
- La totalisation des périodes d’assurance;
- L’égalité de traitement.
L’objectif principal de ce règlement étant d’assujettir le travailleur qui exerce son activité dans plusieurs Etats membres à un seul organisme de sécurité sociale tout en bénéficiant de la même protection dans chaque Etat d’activité.
Afin de déterminer l’Etat dans lequel sera assujetti le travailleur, des règles de rattachement ont été édictées.
3.1. Principe: régime de sécurité sociale du lieu de travail
Le travailleur est assuré dans un seul Etat à la fois même s’il exerce son activité sur le territoire de plusieurs Etats ou s’il exerce plusieurs activités simultanément sur le territoire de plusieurs Etats.
Il s’agit du principe d’unicité de législations. Le travailleur est dès lors assujetti à la sécurité sociale de l’Etat dans lequel il exerce son activité.
3.2. Exception: le détachement et l’occupation simultanée
Le détachement implique une situation temporaire qui peut être prolongée jusqu’à cinq ans. Dans ce cas, le travailleur reste soumis à la sécurité sociale de l’Etat d’origine.
Après cette durée de cinq ans, le travailleur devient assujetti à la sécurité sociale de l’Etat de travail.
L’autre exception concerne l’occupation simultanée sur le territoire de différents Etats. Dans cette hypothèse, trois situations peuvent se présenter:
- Si le travailleur effectue une partie de ses prestations dans le pays où il réside alors la législation du pays de résidence du travailleur est d’application;
- Si le travailleur preste pour le compte de plusieurs employeurs établis dans différents Etats membres, alors la législation de l’Etat de résidence du travailleur est également applicable ;
- Si le travailleur preste pour un employeur ou plusieurs employeurs du même Etat membre sans travailler dans son pays de résidence, alors la législation du siège social de l’employeur est d’application.
4. Exemple chiffré
Nous envisageons un partage égal entre tous les Etats du temps de travail du contribuable, soit 25% de la rémunération perçue dans chaque pays.
Les calculs ci-après ne tiennent pas compte des diverses déductions et exonérations propres à chaque Etat et qui peuvent encore réduire l’impôt ni de certaines majorations qui peuvent être appliquées au non-résident.
Ces calculs se fondent sur un montant brut sans aucune déduction de charges et frais professionnels également à particulariser par contribuable.
Nous avons imaginés la situation d’un contribuable qui travaillerait pour plusieurs filiales du groupe de sociétés établies en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Luxembourg est donc soumis conformément au règlement européen n° 883/2004 à la sécurité sociale de son Etat de résidence, soit la Belgique.
Revenu annuel de 600.000 €
Sans Salary Split | Avec Salary Split | Avantage | |
---|---|---|---|
Revenu annuel brut | 600.000 € | 600.000 € | |
Sécurité sociale | -78.420 € | -78.420 € | |
Imposable | 521.580 € | 130.395 € dans chaque pays |
|
Belgique (impôts) | -272.553,5 € | -67.974,91 € | |
Luxembourg (impôts) | 0 | -44.394 € | |
Nederland (impôts) | 0 | -66.203,67 € | |
United Kingdom (impôts) | 0 | -44.021,66 € | |
Revenu annuel net | 249.026,5 € | 298.985,76 € | 49.959,26 € |
Revenu annuel de 720.000 €
Sans Salary Split | Avec Salary Split | Avantage | |
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Revenu annuel brut | 720.000 € | 720.000 € | |
Sécurité sociale | -94.104 € | -94.104 € | |
Imposable | 625.896 € | 156.474 € dans chaque pays |
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Belgique (impôts) | -324.711,5 € | -81.366,58 € | |
Luxembourg (impôts) | 0 | -51.906,2 € | |
Nederland (impôts) | 0 | -79.764,23 € | |
United Kingdom (impôts) | 0 | -54.452,2 € | |
Revenu annuel net | 301.184,5 € | 358.406,79 € | 57.222,29 € |