La prise en charge d’enfant qu’elle soit familiale ou extra-familiale est une réalité qui est fortement présente dans la culture africaine. L’exclusion du droit au regroupement familial à l’égard de ces enfants paraît particulièrement choquante eu égard à la possession d’état et la vérité socio-affective qui s’est créée entre cet enfant et sa famille « adoptive ».

Les auteurs Bonnet et de Suremain tiennent ainsi à rappeler qu’ « en Afrique notamment, la mère est rarement l’unique responsable du développement de l’enfant et que sa prise en charge est habituellement partagée. L’enfant n’est pas l’enfant de l’individu ou du couple, mais celui du lignage, de la « famille élargie » ou encore de la « grande famille », selon les expressions consacrées. Des systèmes de circulation, au sein de la parenté ou de l’entourage proche, facilitent la prise en charge des enfants que les tuteurs immédiats, généralement le père et la mère biologiques, ne parviennent pas toujours à assurer lors des situations de crise »[1].

Ces situations peuvent résulter d’un décès, d’une maladie, d’une perte d’emploi ou encore d’une famille si nombreuse que les parents ne peuvent plus subvenir à la prise en charge de l’enfant. Par ailleurs, le recueil de fait peut également s’apparenter à un « don d’enfant » à l’égard d’un membre de la famille proche qui n’est pas en mesure de procréer pour cause de stérilité. A cet égard, le « don d’enfant » doit être compris dans sa dimension étrangère reflétant l’importance d’une solidarité, sans pareille, entre les membres de la famille africaine. De ce fait, « en Afrique, […] le contenu des termes ‘abandon’, ‘adoption’ est d’un sens tout autre, ne serait-ce que parce que l’enfant appartient au groupe plus qu’à ses géniteurs »[2].

Dans la plupart des cas, cette situation de fait consiste à prendre en charge dès son plus bas âge un neveu ou une nièce, dont les parents sont décédés et de les élever sans faire de distinction entre ceux-ci et ses propres enfants biologiques.

Dès lors, en réservant le droit au regroupement familial aux seuls enfants naturels et adoptifs, la Belgique refuse catégoriquement la prise en compte de cette parenté de fait[3], reconnues pourtant par l’article 8§1 de la CEDH. Le sort réservé à ces enfants recueillis de facto paraît sensiblement choquant dès lors qu’il arrive fréquemment qu’un enfant se retrouve seul au pays d’origine et voit partir la famille, qu’il a pourtant toujours considéré comme étant sienne. Partant de ces considérations, nous rejoignons aisément l’idée selon laquelle « une application correcte des règles de DIP doit conduire l’autorité belge à prendre en considération les modes de preuve admissibles en vertu du droit désigné par l’article 62 du CODIP, comme par exemple la possession d’état »[4].

Cette situation est à déplorer dès lors que la loi impose à l’Office des étrangers de prendre en compte l’ensemble des éléments de l’affaire et que la vérité socio-affective est considérée comme prouvant valablement le lien de filiation tant en droit belge, que dans la grande majorité des droits étrangers[5]. En outre, l’exclusion de ces situations de fait pose également problème au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[1] D. BONNET, C. DE SUREMAIN, « Quelle place pour l’anthropologie de l’enfance dans le développement ? », Sciences au Sud, 44, 2008, p. 16.

[2] S. LALLEMAND, La circulation des enfants en société traditionnelle. Prêt, don, échange, 1993, Paris, L’Harmattan, p. 220

[3] H. ENGLERT et T. LEGROS, « Le recours aux tests ADN pratiqués dans le cadre des procédures de regroupement familial », op. cit., p. 11

[4] H. ENGLERT et T. LEGROS, « Le recours aux tests ADN pratiqués dans le cadre des procédures de regroupement familial », op. cit., p. 13

[5] H. ENGLERT et T. LEGROS, « Le recours aux tests ADN pratiqués dans le cadre des procédures de regroupement familial », op. cit., p. 13