Lors de la constitution d’une fondation, se pose généralement la question de la limite des actes qu’elle peut poser pour atteindre son but désintéressé. La réponse à cette question fondamentale se trouve pourtant dans les travaux préparatoires de la loi du 2 mai 2002.
Si, certes, on retrouve dans le premier document préparatoire du projet de loi que la fondation « ne peut se livrer à des opérations commerciales ou lucratives ni poursuivre un but de lucre » , force est de constater que cela n’a pas été retenu dans la loi finalement adoptée ; ce qui signifie qu’il a été décidé que les fondations peuvent effectuer de telles opérations.
En effet, par rapport au projet de loi initial un amendement fut déposé par le Gouvernement, amendement adopté et qui fut donc coulé dans la loi du 2 mai 2002 telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.
Cet amendement supprime l’allusion à l’interdiction pour les fondations de se livrer à des opérations industrielles ou commerciales.
Cet amendement est justifié comme suit par le Gouvernement :
« Une fondation est une personne morale dont les revenus du capital doivent permettre de poursuivre le but désintéressé qui lui a été assigné.
(…)
A la notion de but non lucratif se substitue celle de but désintéressé déterminé. Le but désintéressé doit s’entendre comme l’absence d’avantage patrimonial direct. En effet, l’essentiel n’est pas de connaître les activités auxquelles s’adonne la personne morale, mais bien de savoir si le but auquel sont affectés les profits réalisés est bien désintéressé.
La nature même de la fondation qui consiste en la gestion d’un capital en vue de la réalisation d’un but désintéressé doit pouvoir lui permettre de réaliser des activités de nature économique pourvu que les bénéfices ainsi dégagés soient affectés à la réalisation du but désintéressé de la fondation. Du reste, la définition actuelle de l’établissement d’utilité publique mentionnée à l’article 27 de la loi du 27 juin 1921 ne lui interdit pas de se livrer à des activités de nature économique.
Une exception est néanmoins prévue à ce principe. Cette exception s’inspire de l’article 285, alinéa 3, du Code civil néerlandais traitant des fondations. Un avantage patrimonial direct peut être accordé à un tiers lorsque cette attribution rentre dans le cadre de la réalisation du but désintéressé de la fondation. Il peut s’agir par exemple de permettre la création d’une fondation privée dont l’objet serait de subvenir aux besoins d’un enfant handicapé qui ne serait autre qu’un tiers par rapport à la personne morale mais qui constituerait le but désintéressé déterminé de cette fondation.
Le but désintéressé de la fondation est également rencontré si elle a pour objet, notamment, de maintenir le caractère familial d’une entreprise en recourant à la technique de la certification de titres (loi du 15 juillet 1998 relative à la certification de titres émis par des sociétés commerciales, Moniteur belge, 5 septembre 1998, pp. 28677 et suivantes). En effet, dans ce cadre, la fondation est simplement un outil de gestion qui en tant que tel n’a pas pour objet de générer des bénéfices » .
C’est ce qui faire dire à la doctrine qu’une fondation n’a aucune limite à la commercialité, elle « peut se livrer à des opérations industrielles ou commerciales à condition qu’elle affecte ses bénéfices à la réalisation du but désintéressé » .
En somme, la fondation « permettra à son fondateur d’affecter un patrimoine à une fin désintéressée, n’étant pas nécessairement d’utilité publique, et de doter, par acte authentique, cette affectation de la personnalité juridique. Parmi les objectifs pouvant être rencontrés figureront notamment la sauvegarde d’une collection d’œuvres d’art, le soutien au développement d’une région, la création d’un prix ou d’une œuvre, le maintien du caractère familial d’une entreprise, le maintien de l’intégrité d’éléments de patrimoine,… » .
Il n’est guère besoin d’expliciter les termes très clairs du législateur sur les moyens qui peuvent être mis en œuvre par une fondation pour atteindre son but désintéressé. Nous soulignerons que les deux principales limites sont :
– L’obligation pour une fondation d’affecter les éventuels gains obtenus à son ou ses buts désintéressés ;
– Dans la suite logique de ce premier point, l’interdiction d’avoir pour objet de générer des bénéfices (puisque ceux-ci doivent être affectés à la cause désintéressée).