Les architectes peuvent se prévaloir du droit d’auteur à l’égard de leurs créations.

Pour cela, Il est unanimement admis qu’une œuvre, pour être protégée, doit revêtir un caractère original, c’est-à-dire être marquée de l’empreinte de son auteur. Selon la Cour de cassation, une œuvre originale est une « création intellectuelle propre à son auteur » (Cass., 26 janvier 2012, AM, 2012, 4, 336). Ainsi, l’œuvre doit être marquée du sceau de la personnalité de son auteur. Cette conception est celle adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Infopaq (CJUE, 5 juillet 2009, C-5/08). Selon la Cour, « le droit d’auteur n’est susceptible de s’appliquer que par rapport à un objet qui est original en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur. L’auteur doit « exprimer son esprit créateur de manière originale, c’est-à-dire exprimer sa personnalité à travers l’œuvre ». Cette conception, très large et un peu vague, doit être appréciée au cas par cas.

Même s’il existe une tendance de la jurisprudence à se baser, dans l’évaluation de l’originalité, sur des critères objectifs, la Cour d’appel d’Anvers et de Bruxelles ont clairement réaffirmé le caractère essentiellement subjectif du critère d’originalité (Voy. Anvers (1er ch.), 25 septembre 2000, R.G.D.C., 2001/10, p. 618 ; Bruxelles, 21 juin 1988, J.M.L.B., 1989, p. 17.).

A cet égard, Alain Berenboom, référence s’il en est en matière de droits d’auteur, affirme que « le fait qu’une oeuvre architecturale présente un caractère nouveau ne doit donc pas être le point de référence pour déterminer son originalité- même s’il peut servir d’indice » (A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 81).

Par ailleurs, et c’est particulièrement important, l’esthétique ou le caractère « extraordinaire » de l’oeuvre ne doit selon nous pas être un critère déterminant.

En effet, selon la Cour de cassation, dans son arrêt de principe du 27 avril 1989, « il faut que l’oeuvre soit l’expression de l’effort intellectuel de celui qui l’a réalisée, ce qui constitue une condition indispensable pour donner à l’oeuvre le caractère individuel à travers lequel une création existe«  (Voy. Cass., 27 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 908).

Sont évidemment protégés, les plans, dessins et autres écrits de l’architecte. En outre, et après quelques tergiversations, les juridictions s’accordent aujourd’hui à affirmer que l’édifice lui-même est protégé par le droit d’auteur. Cette protection est toutefois limitée aux formes de la construction, et n’entraîne pas une protection du style ou des concepts employés.

La Cour d’Appel de Bruxelles, a également affirmé qu’il suffisait « que l’oeuvre-architecturale en l’espèce- soit marquée de l’empreinte d’une personnalité créatrice qui l’identifie comme une oeuvre originale, sans que cette originalité doive être telle qu’elle assimile l’oeuvre à une « oeuvre d’Art », le caractère « artistique » à proprement dit n’est pas requis«  (Voy. Bruxelles, 21 juin 1988, J.L.M.B., 1989, p. 17 et Bruxelles, 21 mars 2003, J.L.M.B., 2003, p. 783).

Par conséquent, la protection de l’architecte est la même que celle de tous les autres auteurs (A. BERENBOOM, Le nouveau droit d’auteur, Bruxelles, Larcier, 82)

  • Quant au critère de mise en forme de l’oeuvre

L’œuvre ne peut, selon la doctrine et la jurisprudence, être protégée que si l’auteur a matérialisé sa création dans une certaine forme directement ou indirectement perceptible par autrui. De ce fait, les idées, non matérialisées, ne sont pas protégeables (voy. M. BUYDENS, La protection de la quasi-création, Bruxelles, 1993; VAN HECKE et GOTZEN, « Overzicht van rechtspraak – industriele eigendom, auteursrecht 1975-1990 », TPR, 1990, 1792 ; Bruxelles, 26.3.2001, RG 1999/RG/110, A&M, 2001, 367). Toutefois, dans le cas des oeuvres architecturales, y compris d’intérieur, la matérialisation dans des plans (même une ébauche est suffisante) suffit (Voy. à cet égard Bruxelles, 16 juin 1954, Pas., 1956, II, p. 17).

En conclusion, il nous apparaît clairement que ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine ne retient de critère d’extraordinaire, d’esthétique ou même d’artistique quant à l’examen de l’existence et de l’originalité de l’oeuvre, même architecturale et d’intérieur.

Il est en revanche admis, sur base d’une stricte interprétation de la loi, de la doctrine et de la jurisprudence, que dès lors que les critères d’originalité et de mise en forme sont remplis, l’oeuvre est protégeable au sens du titre 5 du Livre XI du Code de droit économique.