Slobodan Milosevic, d’abord élu Président de la Serbie le 8 mai 1989, va occuper le poste de Président de la République Fédérale de Yougoslavie (RFY) du 15 juillet 1997 au 6 octobre 2000. Le premier leader yougoslave fera l’objet, de la part du TPIY, de trois actes d’accusation distincts intitulés respectivement « Kosovo », « Croatie » et « Bosnie-Herzégovine ». Le premier acte d’accusation, initié le 24 mai 1999 alors qu’il exerce encore les fonctions de premier leader du pays, sera confirmé le 29 octobre 2001 par la Procureure Louise Arbour.[2] En tant que chef d’Etat de la RFY, Milosevic sera accusé d’avoir ordonné la commission de crimes internationaux ou tout au moins d’avoir su que de tels actes étaient commis sur le territoire du Kosovo sans pour autant prendre les mesures nécessaires qui étaient en son pouvoir pour l’empêcher.[3] Un mandat d’arrêt sera alors émis contre lui le 27 mai 1999 alors qu’il exerce encore ses fonctions de Président. Il sera ensuite arrêté le 1er avril 2001 par les autorités locales avant d’être transmis au TPIY le 29 juin 2001. Les deuxième et troisième actes d’accusation furent confirmés par la Procureure Carla del Ponte après plusieurs modifications respectivement le 28 juillet 2004 et le 22 novembre 2002. Sur base de ces deux actes, Slobodan Milosevic sera accusé d’une part, d’être « individuellement pénalement responsable des crimes sanctionnés par les articles 2, 3, 4 et 5 du Statut du Tribunal et énumérés dans le présent acte d’accusation, crimes qu’il a planifiés, incité à commettre, ordonnés, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ».[4] Ce n’est donc pas une participation physique dans la perpétration de ces crimes qui lui est reprochée, mais plutôt une participation en tant que coauteur à une entreprise criminelle commune.[5] D’autre part, en sa qualité de supérieur hiérarchique, l’ex-Président sera accusé d’être individuellement responsable des « actes et omissions de ses subordonnés ».[6] Traiter séparément ces trois actes aurait semblé logique vu l’éloignement géographique qui les caractérise. Toutefois, la Chambre d’appel, décidant de la jonction des actes d’accusation, ordonnera un procès unique[7], considérant que les crimes commis contribuaient tous à une même entreprise criminelle : la création de la « Grande Serbie ».[8] Après une longue procédure et plusieurs années de travail ardu, le procès de Milosevic s’achèvera prématurément à la mort de l’accusé le 11 mars 2006. Eliminant à jamais les chances de voir l’ex-Président yougoslave jugé, l’extinction des poursuites[9] consécutive à sa mort laissa une grande déception chez ceux qui voyaient déjà ce futur jugement comme révolutionnaire. Le procès de Milosevic aura beaucoup divisé la doctrine. Alors que certains considèrent l’extinction des poursuites après un long procès comme un véritable échec[10], d’autres préfèrent voir dans ce procès un réel succès. En effet, le procès de l’ancien Président yougoslave est innovant à maints égards. Le TPIY, créé après une longue période d’hibernation de la justice internationale durant la guerre froide, a su prouver par la mise en accusation de la plus haute figure de l’Etat qu’une justice à l’échelle internationale est envisageable et surtout possible. Le fait d’être le premier tribunal à mettre en accusation un chef d’Etat en exercice a beaucoup contribué à la légitimité internationale de ce tribunal. En effet, Milosevic est « la personne la plus haute placée à être accusé devant un tribunal international depuis Nuremberg ».[11] Par sa mise en accusation, le TPIY aura su prouver que les dispositions légales internationales, et en l’occurrence son Statut, étaient bien plus que de belles théories. Un des exemples les plus marquants aura sans doute été l’application avec rigueur de la règle stipulant la non-pertinence de la qualité officielle lorsque les crimes considérés comme les plus graves sont en jeu. En conclusion, ce procès aura servi à montrer que la plus haute autorité de l’Etat pouvait, ou plutôt devait, répondre de ses actes criminels devant les juridictions internationales à l’instar de n’importe quel autre criminel. Pour cette raison, le procès de Milosevic nous semble loin d’être un échec. Certes nous nous rallions à ceux qui y voient un succès, mais devrions-nous peut-être parler d’un « succès inachevé ».[12] [1] TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », Acte d’accusation modifié, affaire n° IT-01-51-I du 27 septembre 2002, §3. [2] B. BABAN, La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef d’Etat, Belgique, Larcier, 2012, p. 199. [3] TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic et les autres », Acte d’accusation modifié, affaire n° IT-99-37-PT du 16 octobre 2001, §19. [4]TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », Acte d’accusation modifié, affaire n° IT-01-51-I du 27 septembre 2002, §5. [5]TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », Acte d’accusation modifié, affaire n° IT-01-51-I du 27 septembre 2002, §5. [6]TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », acte d’accusation initial, affaire n° IT-01-50 du 22 novembre 2001, §27. [7] TPIY, Chambre d’appel, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », Décision relative à l’appel interlocutoire de l’accusation contre le rejet de la demande de jonction, affaire n° IT-99-37-AR73, IT-01-50-AR73 et IT-01-51-AR73, 1er février 2002. [8] TPIY, « Le Procureur c. Slobodan Milosevic », acte d’accusation initial, affaire n° IT-01-50 du 22 novembre 2001, §22. [9] L’extinction des poursuites prendra effet le 14 mars 2006. [10] X., « L’échec du procès Milosevic », Réseau Voltaire, 20 février 2004, www.voltairenet.org/article 12604. [11] S. PILIOURAS, « International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia and Milosevic’s Trial », New York, L.S.J.H.R., 2001-2002, p. 518. [12]B. BABAN, op. cit., p. 198.
Les actes d’accusation
L’arrêt prématuré d’un grand procès
L’affaire Milosevic, l’arrêt prématuré d’un grand procès
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