Le Conseil de Sécurité a déjà exercé son pouvoir d’initiative des poursuites à l’encontre de deux chefs d’Etat : Le Président soudanais Al Bashir et l’ancien Président libyen Mouamar Kadhafi.

  1. L’affaire Al Bashir

[1]

« Au cours du premier semestre 2011, environ 70.000 personnes ont été de nouveau déplacées suite à une vague d’attaques ciblant des groupes ethniques menées tant par les forces gouvernementales que par des milices récemment formées soutenues par le gouvernement. Ces attaques ont pris la forme de bombardements aériens aveugles, ainsi que d’attaques et d’incendies de plusieurs villages dans l’est du Darfour, alors que, dans le nord et l’ouest de la région, des zones d’habitation subissaient également des bombardements aériens plus épisodiques »[2], telles étaient les estimations du Haut Commissariat pour les réfugiés en 2011 au Darfour.

Le soudan, pays de l’Afrique du Nord, fait l’objet de violents affrontements depuis déjà mars 2003. A cette époque, un conflit armé interne faisait rage au Darfour (Soudan) opposant l’armée soudanaise à des groupes rebelles.[3]

Le soudan n’ayant pas ratifié le Statut de Rome, les crimes commis au Darfour ne pouvaient être de la compétence de la CPI que si le Conseil de Sécurité décidait de déférer l’affaire à la Cour.

Par une Résolution 1593 du 31 mars 2005, le Conseil de Sécurité exerça pour la première fois son pouvoir de saisine et déféra l’affaire à la Cour après avoir constaté que une situation de menace contre la paix. Le 14 juillet 2008, le Procureur proposa d’engager les poursuites contre le Président Soudanais Omar Al Bashir, accusé d’avoir commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

La particularité de cette affaire réside dans le fait qu’ « il s’agit d’une première à double titre : pour la première fois, le Procureur a décidé de retenir l’incrimination de génocide et le président du Soudan est le premier chef d’Etat en exercice à être mis en cause devant la Cour pénale internationale ».[4] On devrait en plus souligner qu’il s’agit du premier Président issu d’un Etat non partie au Statut de la CPI.[5]

A ce jour, deux mandats d’arrêt ont été délivrés contre l’actuel Président soudanais respectivement le 4 mars 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et le 12 juillet 2010 pour génocide.

Cette initiative en vue d’arrêter un chef d’Etat en exercice issu d’un Etat non partie au traité n’est pas bien reçue par les Etats africains qui considèrent que la CPI est devenue une Cour qui ne juge que les chefs d’Etat africains. La conséquence en est que l’affaire Al Bashir est toujours en cours, les pays africains refusant d’exécuter les mandats d’arrêt.

2. L’affaire Kadhafi[6]

Mouamar Kadhafi fut Président de la Libye, pays d’Afrique du Nord, depuis 1969 où il régna sans partage. Le 17 février 2011, le pouvoir en place se livra à une commission de crimes internationaux sur la population civile, en réponse aux manifestations d’un mouvement d’opposition.

La Libye n’ayant pas ratifié le Statut de Rome, la CPI ne pouvait pas se saisir d’office de cette affaire. Il fallut attendre l’intervention du Conseil de Sécurité par d’adoption d’une Résolution 1970 déférant la situation libyenne au Procureur de la CPI. Ce fut la deuxième fois, après le Darfour, que le Conseil de Sécurité usa de son pouvoir d’initiative.

Le 16 mai 2011, après avoir décidé d’ouvrir une enquête, le Procureur a demandé la délivrance d’un mandat d’arrêt contre Mouamar Kadhafi. Lors du communiqué de presse, l’ancien Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, affirmait que « [d]es éléments de preuve rassemblés indiquent que des actes de persécution se poursuivent dans les zones sous le contrôle de Kadhafi, dont les hommes préparent des listes de dissidents présumés qui sont actuellement arrêtés, emprisonnés, torturés et font l’objet de disparitions forcées ».[7]

Le 27 juin 2011, un mandat d’arrêt fut délivré contre le chef d’Etat libyen pour crimes contre l’humanité.[8]

Le 20 octobre 2011, Mouamar Kadhafi meurt, entrainant la clôture de l’affaire à son encontre le 22 novembre 2011.

Nous venons de passer en revue toutes les affaires concernant des chefs d’Etat qui ont été traitées jusqu’à aujourd’hui. Nous allons maintenant aborder une dernière partie qui se veut plus critique dans laquelle on analysera les points les plus critiqués de la mise en œuvre de la responsabilité pénale des chefs d’Etats.

[1] Les informations suivantes sont tirées de la fiche relative à la situation au Soudan sur le site de CPI, www.icc-cpi.int/menus/icc/situations ; ainsi que le site de la Coalition pour la Cour pénale internationale, www.coalitionfortheicc.org/?mod=darfur.

[2] Voy. la contribution de Amnesty international « Soudan : Violences sans fin au Darfour. L’approvisionnement en armes se poursuit malgré la persistance des violations des droits humains », février 2012, www.amnesty.org/en/library/asset/AFR54/007/2012.

[3] H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre face à la justice. Les juridictions internationales et les tribunaux nationaux, 2e éd., Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 137.

[4] H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, op. cit., p. 139.

[5] S. BITTER, « Omar Al Bashir devant la Cour pénale internationale – Une utopie ? », C.D.I.P.H., 10 octobre 2013, www.cdiph.ulaval.ca.

[6] Les informations suivantes sont tirées de la fiche relative à la situation en Libye sur le site de CPI, www.icc-cpi.int/menus/icc/situations; ainsi que le site de la Coalition pour la Cour pénale internationale, www.coalitionfortheicc.org/?mod=libya.

[7] Voy. sur le site de la CPI, le communiqué de presse concernant la situation en Libye, 16 mai 2011, www.icc-cpi.int/frmenu/ic/situations, ICC-CPI-20110516-PR667,

[8] T. VAMPOUILLE, « Kadhafi frappé par un mandat d’arrêt international », 27 juin 2011, www.lefigaro.fr.