Le Statut du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (ci-après, le TPIY)) lui donne, dans son article 1er, la compétence pour « juger les personnes présumées responsables de violations graves de droit humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ».

L’article 6 du Statut stipule quant à lui que le Tribunal est compétent à l’égard des « personnes physiques ». En effet, l’un des principaux objectifs lors de la création du TPIY était de voir les personnes répondre individuellement de leurs crimes.

[1]

Plus spécifiquement, en ce qui concerne le chef d’Etat, il est précisé que: « [l]a qualité officielle d’un accusé, soit comme chef d’Etat ou du gouvernement, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale et n’est pas un motif de diminution de la peine ».[2] En d’autres termes, selon cet article, le chef d’Etat ne pourrait invoquer devant le TPIY la protection que lui procure son immunité.

Ainsi, puisque le chef de l’Etat ne bénéficie pas d’une protection particulière dans Statut du TPIY, il serait intéressant d’analyser les différentes formes de responsabilité qui peuvent lui être reprochées.

A l’analyse du Statut, on remarque que le chef d’Etat peut être poursuivi au regard de deux types de responsabilité.

  1. La responsabilité individuelle

La responsabilité individuelle, aussi appelée responsabilité directe, consiste à planifier, inciter à commettre, ordonner, commettre, aider et encourager à planifier, préparer ou exécuter les crimes considérés comme les plus graves.[3]

  1. La responsabilité du supérieur hiérarchique

Celui qui se trouve au plus haut sommet de la pyramide étatique peut également voir sa responsabilité engagée en tant que supérieur hiérarchique. En effet, l’article 7.3 du même Statut stipule que « [l]e fait que l’un quelconque des actes visés aux articles 2 à 5 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs ».

Selon cet article, trois conditions cumulatives doivent ainsi être réunies pour remettre en cause la responsabilité du supérieur hiérarchique.

La première condition revoie à l’existence d’un lien de subordination entre le supérieur et son subordonné. Pour bien comprendre cette première condition, il est important de revenir sur les éléments qui la composent. Que doit-on entendre par « supérieur » et comment évaluer ce lien de subordination ?

Tout d’abord, il est précisé par la doctrine et la jurisprudence que le supérieur hiérarchique peut être un supérieur militaire ou civil.[4] Ensuite, il est important de noter que tout supérieur n’exerce pas forcément un lien de subordination. Il doit y avoir un contrôle effectif dans l’exercice de ce lien. En effet, « [i]l ne s’agit pas de n’importe quel supérieur placé dans la chaîne de commandement, mais seulement d’un supérieur qui a une responsabilité personnelle à l’égard de l’auteur des agissements en question, parce que ce dernier, étant son subordonné, se trouvait placé sous son contrôle ».[5]

La seconde condition nécessite un élément intentionnel qui consiste dans le fait que le supérieur savait ou aurait dû savoir que son subordonné était sur le point de commettre ou avait commis un crime. Il est important de souligner qu’il n’existe pas de présomption quant à la connaissance ou à l’information que doit avoir le supérieur hiérarchique.[6] Cependant, selon le TPIY, la preuve à fournir pour justifier cette connaissance ne doit pas non plus être très exigeante. En effet, pour remettre en cause la responsabilité d’un supérieur hiérarchique, il suffirait par exemple de prouver qu’il avait en sa possession des informations quant au « […] nombre, du type et de la portée des actes illégaux, la période durant laquelle ils se sont produits, le nombre et le type de soldats qui y ont participé ».[7]

Enfin, la troisième et dernière condition implique la sanction d’une omission. Selon ce troisième élément, la responsabilité du supérieur hiérarchique serait engagée lorsque celui-ci n’aurait pas pris des mesures pour prévenir ou pour sanctionner les auteurs des crimes internationaux. Ainsi, comme il n’est pas toujours possible d’intervenir dans toutes les situations, l’on attend du supérieur hiérarchique qu’il prenne des mesures « nécessaires et raisonnables ».

[1] O. SPIJKERS, « Legal mechanisms to establish accountability for the genocide in Srebrenica », H.R.I.L.D., 2007, p. 244-245.

[2] Statut du TPIY, 22 mai 1993, art. 7.2. Nous soulignons.

[3]Statut du TPIY, 22 mai 1993, art. 7.1.

[4] Z. NASSER, « La responsabilité du supérieur hiérarchique devant les tribunaux pénaux internationaux », Rev. intern. dr. pén., 1/ 2002, vol. 73, p. 59-80, www.cairn.info.

[5] Z. NASSER, op.cit. Nous soulignons.

[6] TPIY, Jugement, Affaire n° IT-96-21-T, Delalic et al., 16 novembre 1998, www.icty.org.

[7] Z. NASSER, op. cit., www.cairn.info.