L’ex-Yougoslavie a été pendant longtemps le cœur de nombreux affrontements. Avec la chute du mur de Berlin, on assiste à une succession de déclaration d’indépendance des différentes provinces à savoir : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et le Kosovo. A partir de 1991, éclate une guerre civile dont l’extrême gravité interpelle l’Europe dans son entièreté.

[1]

La communauté internationale assistera, impuissante, à une série de massacres, qui ne cesseront de gagner tout le territoire de l’ex-Yougoslavie. Dès 1992, en Bosnie-Herzégovine et plus précisément dans sa capitale Sarajevo, la guerre bat son plein. A la mi-juillet 1995, des meurtres de masse dont le bilan est évalué à plus de 7500 hommes musulmans en âge de combattre sont commis.[2] L’horreur porte alors le nom de « génocide de Srebrenica ».[3]

  1. Résolution n°808 du Conseil de Sécurité des nations Unies

Face à autant de violence, le Conseil de Sécurité décide d’adopter une  Résolution n° 808 dans laquelle il est d’abord rappelé que la situation sur le territoire de l’ex-Yougoslavie « constitue une menace à la paix et la sécurité internationales »[4] et soulignera ensuite que « dans les circonstances qui prévalent en ex-Yougoslavie, la création d’un tribunal international […] contribuerait à la restauration et au maintien de la paix ».[5]

Ainsi, sur base du Chapitre VII de la charte des Nations Unies, le Conseil de Sécurité adopta la Résolution n° 827[6] qui crée le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ( ci après, le TPIY).

  1. Le TPIY, une innovation à plusieurs égards

Le TPIY est ainsi une innovation à plusieurs égards. Tout d’abord, alors que les  tribunaux précédents de Nuremberg et de Tokyo avaient un caractère militaire, nous assistons à la création du premier tribunal pénal international. En effet, selon un rapport du TPIY, ce tribunal est « le premier tribunal international jamais établi par les Nation Unies. Ses seuls prédécesseurs connus de mémoire d’homme, les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, ont été créés dans de tout autres circonstances et se fondaient sur des principes de morale et de droit d’une nature fondamentalement différente ».[7]

En outre, contrairement aux tribunaux issus de la seconde guerre mondiale qui étaient uniquement à l’initiative des vainqueurs[8], le TPIY est, pour sa part, l’œuvre de la communauté internationale dans son ensemble. Cette idée est soutenue notamment par les juges du même Tribunal qui considèrent en effet que « contrairement aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, le Tribunal est vraiment international. […] le Tribunal n’est pas l’organe d’un groupe d’Etats ; C’est un organe de l’ensemble de la communauté internationale ».[9]

Enfin, la dernière remarquable originalité du TPIY qui mérite d’être mentionnée renvoie à la période de création de celui-ci. En effet, le Tribunal international ayant été créé en pleine situation conflictuelle[10], sa caractéristique première sera d’assurer en plus d’une répression, une véritable prévention des crimes les plus graves.[11] Dans ce sens, P. AKHAVAN affirme que « the potential impact of the ICTY […] on political behavior is subtle and long-term, profound and lasting. Publicly vindicating human rights norms and ostracizing criminal leaders may help to prevent future atrocities through the power of moral example to transform behavior ».[12]

[1]H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre face à la justice. Les juridictions internationales et les tribunaux nationaux, 2e éd., Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 52 ; voy. aussi J. RUPNIC (sous la dir.), De Sarajevo à Sarajevo : l’échec yougoslave, Bruxelles, éd. Complexe, 1992 ; H.-D. BOSLY, « Juridictions pénales et crimes internationaux », R.D.I.C., 2/2010, p. 197.

[2]C. SUDETIC, « The Srebrenica Massacre (July 11-16, 1995) », Online Encyclopedia of Mass Violence, www.massviolence.org, 7 juillet 2010, p. 5-6.

[3] Voy. P. THYS, « Contribution à l’étude de la conduite génocidaire », Rev. Dr. Ulg, 2006, p. 325-334.

[4] Résolution n°808 du Conseil de Sécurité, adoptée le 22 février 1993.

[5] Résolution n°808 du Conseil de Sécurité, adoptée le 22 février 1993.

[6]Résolution n°827 du Conseil de Sécurité, adoptée le 25 mai 1993.

[7]ONU, premier rapport annuel du TPIY présenté au Conseil de Sécurité et à l’Assemblée générale de l’ONU conformément à l’article 34 du Statut du Tribunal, 29 août 1994, doc. A/49/1994-S/1994/1007, §3.

[8]B.A.V. ROLING, « The Law of War and the National Jurisdiction since 1945 », R.C.A.D.I., vol. 100, 1960-II, p. 356.

[9]ONU, premier rapport annuel du TPIY présenté au Conseil de Sécurité et à l’Assemblée générale, 29 août 1994, doc. A/49/342-S/1994/1007, §10.

[10] J-M. SOREL, « Les tribunaux pénaux internationaux. Ombre et lumière d’une récente grande ambition », Revue tiers monde, n° 205, 2011, p. 32.

[11]Il est toutefois important de préciser que cet objectif renvoi plus à un idéal.  En effet, la création du TPIY par une Résolution du 25 mai 1993 n’a pas empêché que des atrocités continuent à être commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. On peut évoquer à titre d’exemple les nombreux massacres de Srebrenica datant de juillet 1995.

[12]P. AKHAVAN, « Beyond lmpunity: Can International Criminal Justice Prevent Future Atrocities? », The American Journal of International Law, vol. 95, n°1, 2002, p. 10. Nous soulignons ; Dans le même sens, ABTAHI dira que « [t]oute institution judiciaire pénale internationale qui a vu – et verra – le jour après la naissance de ces tribunaux a du – et devra – tenir compte de leur héritage ». (H. ABTAHI, « La Cour pénale internationale et l’héritage des tribunaux pénaux internationaux. Le point de vue des juges », in P. TAVERNIER, Actualité de la jurisprudence pénale internationale à l’heure de la mise en place de la Cour pénale internationale, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 233.)