Véhiculant une panoplie de valeurs traditionnelles, le mariage coutumier comporte une importante symbolique dans la culture africaine, à tel point  que la plupart des époux considèrent que ce mariage est bien plus important que le mariage civil. La Belgique est dès lors confrontée, via les populations immigrées, à cette institution présente dans de nombreuses cultures étrangères, et particulièrement auprès des ressortissants congolais. Par conséquent, il a semblé intéressant de se poser la question de savoir si les époux mariés coutumièrement bénéficient-ils d’un droit au regroupement familial.

Largement reconnu officiellement par de nombreux Etats africains,  le mariage coutumier est une institution matrimoniale qui ne lie pas uniquement les époux entre eux, mais plus largement l’ensemble des deux familles respectives. Compte tenu du fait que ce sont les parents qui organisent le mariage, il est communément accepté que lors du mariage coutumier, ce sont les familles qui se marient, ce qui implique le fait que la présence des mariés n’est pas indispensable

[1].

Pour pouvoir bénéficier du regroupement familial, le mariage coutumier doit répondre aux dispositions du Code de droit international privé (CODIP) relatives à la reconnaissance d’un acte authentique dressé à l’étranger. Ainsi, l’article 27 du CODIP conditionne la reconnaissance des mariages célébrés à l’étranger au respect des conditions nécessaires à son authenticité conformément au droit de l’Etat dans lequel il a été établi et doit en outre être légalisé. Notons que selon la loi congolaise, pour que le mariage coutumier soit reconnu officiellement, celui-ci doit avoir fait l’objet d’un enregistrement dans le registre de l’Etat civil dans le mois qui suit la célébration du mariage[2].

Dans un arrêt du 24 juillet 2009[3], le Tribunal civil de Liège a du se prononcer au sujet d’une demande de regroupement familial introduite par un couple marié coutumièrement en République Démocratique du Congo. En l’espèce, Madame N., qui réside au Congo, demande pour elle et ses enfants un visa long séjour pour regroupement familial afin de rejoindre son mari résidant en Belgique. A l’appui, les parties produisent une attestation légalisée du mariage coutumier qui a été enregistrée auprès de l’Officier de l’état civil conformément au droit congolais. Ainsi, les autorités belges accordent le visa aux enfants, mais remettent en doute l’authenticité du document sous lequel l’acte a été enregistré, et refusent le visa pour l’épouse.  Le Tribunal civil de Liège condamne dès lors les autorités belges à prendre en considération l’acte d’engagement sans se soucier des imperfections dans la rédaction de l’acte dont la responsabilité incombe à « la médiocre qualité des prestations de l’employé communal »[4]. Qui plus est, le Tribunal invite à faire preuve de tolérance dans l’examen d’une demande de regroupement familial en signalant « qu’il faut souligner les grandes perturbations qu’a connues l’administration de ce pays suite à l’état permanent de guerre et d’instabilité qu’il a connu et qui justifie aussi qu’en l’absence d’acte on puisse y suppléer par des actes de notoriété réalisés sur simple témoignage devant le juge de paix. En la présente cause, il est même remarquable que ce mariage coutumier ait été enregistré »[5].

Un arrêt du Tribunal de Première Instance de Verviers[6], se prononçant sur un mariage coutumier non-enregistré en Angola, confirme l’arrêt commenté ci dessus en rappelant « qu’il est constant qu’en raison de la situation politique qui prévaut ou a prévalu dans ce pays, aucun acte d’état civil quelconque qui y aurait été dressé ne peut être produit la plupart du temps, cette circonstance se vérifiant par l’obligation où se voient de très nombreux ressortissants de cet Etat de solliciter régulièrement la reconstitution par les Tribunaux belges de leurs acte de naissance et/ou de mariage, en vue de procédures où la production de tels documents est nécessaire ».

Notons que le HCR invite les Etats membres à faire preuve de pragmatisme et de souplesse lors de l’examen des membres de la famille aspirante au regroupement familial. En outre, il incite également à faire preuve de sensibilité culturelle dans la conception même du mariage et à accorder le bénéfice du regroupement familial aux époux mariés coutumièrement.

Par conséquent, si plusieurs arrêts invitent à faire preuve d’une certaine tolérance dans l’examen d’une demande de regroupement familial impliquant un mariage coutumier réalisé dans certains pays d’Afrique, force est de constater qu’en pratique la tendance est inversée.

Plusieurs dénoncent la volonté des autorités de lutter contre les mariages de complaisance en présence d’un mariage coutumier en donnant notamment l’exemple suivant. « Certaines demandes de réunification de conjoints séparés se fondent sur un mariage par procuration entre un réfugié dans un pays de réinstallation et un partenaire vivant dans le pays d’asile, ou sur un mariage conclu juste quelques jours avant le départ de l’un des conjoints pour un pays de réinstallation. Les autorités des pays de réinstallation peuvent considérer ces unions comme des tentatives de contourner les critères de réinstallation et éventuellement comme des mariages arrangés abusifs, alors que ces mariages peuvent représenter la coutume et la pratique ordinaire dans le pays d’origine » [7]

En conclusion, poursuivant sa lutte contre les mariages de complaisance, l’Office des Etrangers, en grande gardienne des règles du CODIP, applique la loi belge strictement et rejette systématiquement les cas qui ne la respectent pas à la lettre.

[1] Ce qui vaut au mariage coutumier l’expression dite du « mariage par procuration » ou encore du « mariage en famille »

[2] Art. 369 et s. du Code de la famille congolais

[3] Civ. Liège (3e ch.), 24 juillet 2009, Rev. trim. dr. fam., 4/2010, pp. 1034-1040

[4] Civ. Liège (3e ch.), 24 juillet 2009, Rev. trim. dr. fam., 4/2010, p. 1037

[5] Civ. Liège (3e ch.), 24 juillet 2009, Rev. trim. dr. fam., 4/2010, p. 1037

[6] Trib. Verviers (2e ch. bis), 20 mai 2009, R.G. n°08/552/A

[7] Voy. K. JASTRAM, et K. NEWLAND, « L’unité de la famille et la protection des réfugiés », op. cit., p. 652