La problématique du mariage arrangé est une réalité qui existe dans les quatre coins du monde et concerne principalement les enfants. Ainsi, l’on associe généralement le mariage arrangé au  mariage d’enfant qui se définit comme étant « un mariage officiel ou une union non officialisée où l’un ou les deux conjoints ont moins de 18 ans »

[1]. Le présent article analyse ainsi si le mariage arrangé ou mariage forcé accorde-t-il un droit au regroupement familial.

a) Définition du « mariage arrangé » et « mariage forcé »

Alors que la Belgique a fixé le droit de se marier à l’âge de 18 ans, la Convention européenne des droits de l’homme stipule en son article 12 que l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille à partir de l’âge nubile. Bien que le mariage d’enfant est en principe interdit en Belgique, la jurisprudence admet, à titre exceptionnel, pour motif grave et moyennant l’accord des parents, le mariage d’un enfant qui n’a pas atteint l’âge de la majorité.

Si le principe d’ « arranger une rencontre » qui aboutira s’il y a lieu à un mariage est inhérent à toute société et est également présent dans les familles belgo-belges, ce concept comporte une signification particulière auprès des cultures étrangères. En général, ce sont les communautés musulmanes, en particulier les Marocains et les Turques, qui sont le plus concernés par ce phénomène. Certaines communautés en Asie sont également fortement concernées par ce phénomène. En Inde et au Pakistan par exemple, les mariages arrangés constituent la norme car les mariages d’amour sont vus d’un mauvais oeil.

De prime abord, le mariage arrangé révèle de manière flagrante le poids accordé par certaines cultures au jugement des parents. « Si le réflexe de chercher le consentement de ses parents lors d’une union traverse les cultures, il semble garder plus d’importance dans certaines d’entre elles comme la culture musulmane »[2].

 

b) Durcissement du droit au regroupement familial

Le régime belge n’exclut pas le bénéfice du regroupement familial en présence d’un mariage arrangé, mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne voit pas d’un très bon oeil les mariages d’enfant. En effet, en vue de lutter contre les mariages forcés, la législation belge impose que le conjoint ait au moins 21 ans pour pouvoir bénéficier du regroupement familial et fixe par conséquent un âge supérieur à celui de la majorité en vigueur en Belgique.

Notons cependant que la Cour constitutionnelle du 26 septembre 2013 a instauré une exception selon laquelle l’âge minimum des partenaires est ramené à dix-huit ans lorsqu’ils peuvent apporter la preuve d’une cohabitation d’au moins un an avant l’arrivée de l’étranger rejoint dans le Royaume.

Cependant, il convient de se soustraire d’une tendance qui est trop souvent faite et qui consiste à assimiler le mariage arrangé au mariage forcé. D’ailleurs, certains ont dénoncé le fait qu’il existait une confusion flagrante entre ces deux notions dans les travaux préparatoires de la loi du 8 juillet 2011 qui a considérablement durci l’accès au regroupement familial[3]. Le mariage arrangé se distingue du mariage forcé en ce que, bien que la première initiative de leur union ne leur revienne pas, les époux acceptent le mariage et désirent poursuivre une vie commune[4]. De la sorte, le mariage arrangé se distingue également du mariage de complaisance.

Le Code civil prohibe le mariage forcé dans deux dispositions: L’article 146 stipule: « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». Et l’article 146ter dit : « Il n’y a pas de mariage non plus lorsque celui-ci est contracté sans le libre consentement des deux époux et que le consentement d’au moins un des époux a été donné sous la violence ou la menace. » De plus le Code pénal pénalise le mariage forcé en son article 391sexies.

S’il ne fait nul doute que le mariage forcé contredit gravement le droit fondamental de conclure un mariage avec le libre et plein consentement, la pratique du mariage arrangé ne viole, quant à lui, aucun droit. N’oublions dès lors pas que ce sont les « mariages forcés » qui doivent être réprimés, et non les « mariages arrangés » ni « les mariages d’enfants ». En effet, un enfant de moins de 18 ans est tout a fait capable, selon nous, de prendre des décisions qui l’engagent à long terme. Penser le contraire équivaut à nier le droit à la participation des enfants.

 

c) Lutte contre les « mariages blancs » et « mariages gris ».

Il convient de rappeler que la problématique des mariages forcés souffre d’un manque de données. En gros, les chiffres, il n’y en a pas[5]. Ceci s’explique non seulement en raison de son caractère tabou et privé, mais également au vu du fait que « que ce soit au niveau policier, judiciaire ou communal, le personnel n’est pas vraiment formé à la détection des mariages forcés mais plutôt à celle des mariages blancs ou gris dans le cadre de la migration matrimoniale et de la politique de regroupement familial »[6].

Dans un mariage blanc, le conjoint, en tant que complice, accepte de contracter un mariage de complaisance généralement en échange d’une compensation financière. Dans un mariage gris, le conjoint est véritablement sincère et de bonne foi mais se fait arnaquer sentimentalement par son compagnon en contractant un mariage dans le seul but d’obtenir un titre de séjour.

A l’heure actuelle et depuis des décennies, il est impossible de quantifier objectivement ce phénomène. Il paraît par conséquent étonnant de durcir drastiquement le régime matrimonial sur le regroupement familial et de « punir » de la sorte ceux qui se sont unis librement dans les liens du mariage sur base de données virtuelles et non objectivées.

 

[1] M. STRINIC, « Le mariage d’enfant », JDJ, n°333, mars 2014, p. 18

[2] P. DE GENDT, « Mariages arrangés et mariages forcés: deux réalités différentes », 2013, http://www.sireas.be/publications/analyse2013/2013-11int.pdf

[3] I. Doyen, « Les lignes de force de la réforme du regroupement familial », Intervention lors du colloque du 6 octobre 2011 organisé par l’ADDE asbl à l’ULB, ADDE, décembre 2011, p. 6

[4] P. DE GENDT, « Mariages arrangés et mariages forcés: deux réalités différentes », 2013, http://www.sireas.be/publications/analyse2013/2013-11int.pdf

[5] X, « Mariage forcé : quelle est la part cachée ? » http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130514_00310432

[6] P. DE GENDT, « Mariages arrangés et mariages forcés: deux réalités différentes », 2013, http://www.sireas.be/publications/analyse2013/2013-11int.pdf