A compter du 1er janvier 2008, tous les droits d’auteur qui ne dépassent pas une somme annuelle de 57.590 € (exercice d’imposition 2017) sont considérés par la loi du 16 juillet 2008 (M.B., 30 juillet 2008) comme des revenus mobiliers soumis à un précompte mobilier de 15%, et non plus comme des revenus professionnels.

Cet article a pour objectif d’identifier, selon les différentes sources du droit, la nature juridique de l’indemnité pour droits d’auteur octroyée à un auteur afin de déterminer si cette indemnité est passible de cotisations sociales pour l’indépendant.

 

1) ABSENCE DE COTISATIONS SOCIALES POUR L’INDEPENDANT (INASTI)

En règle générale, l’INASTI accepte la qualification fiscale des droits d’auteur, et organise un régime particulier pour les auteurs et les titulaires de droits voisins.

De toute évidence, la règle est la même qu’en matière de fiscalité. Pour bénéficier du régime particulier, une personne doit bien recevoir des revenus de droits d’auteur ou de droits voisins au sens du Code de droit économique. S’il s’agit en réalité de revenus professionnels, il y a de toute façon assujettissement principal ou accessoire, comme pour tout indépendant.

En tout état de cause, il convient d’examiner trois situations différentes:

 

  • Cas des personnes qui jouissent de droits d’auteur ET bénéficient d’un statut social au moins équivalent à celui des travailleurs indépendants

L’article 5 de l’A.R. n°38 organisant le statut social des travailleurs indépendants dispose que : « Les journalistes, les correspondants de presse et les personnes qui jouissent de droits d’auteur ne sont pas assujettis au présent arrêté, s’ils bénéficient déjà à quelque titre que ce soit, d’un statut social au moins équivalent à celui organisé par le présent arête ».

En d’autres termes, un auteur ne sera pas assujetti au statut social des travailleurs indépendants dès lors que le statut dont il bénéficie du fait de ses autres activités est considéré comme équivalent

[1].

Ainsi, à titre d’exemple, lorsqu’un travailleur indépendant est assujetti au statut social des salariés du fait de ses autres activités, ce dernier ne devra pas s’assujettir au statut social des indépendants en application de l’article 5 de l’A.R. n°38 et n’aura donc pas de cotisations sociales de travailleur indépendant à payer.

 

  • Cas des personnes qui jouissent de droits d’auteur ET bénéficient en outre de revenus professionnels issus d’une autre activité indépendante

Lorsqu’une personne jouit de droits d’auteur et bénéficie également de revenus professionnels issus d’une autre activité indépendante, cette dernière devra s’assujettir au statut social des indépendants du fait de cette autre activité indépendante.

Cependant, les revenus de droits d’auteur ne seront pas pris en compte dans la base de calcul des cotisations sociales que devra payer cette personne en tant que travailleur indépendant. Les motifs sont doubles:

D’une part, comme le rappelle François Coppens qui relève le raisonnement confirmé par la ministre en charge devant le parlement[2] : en matière fiscale, les revenus de droits d’auteur ne sont pas considérés comme des revenus professionnels, mais comme des revenus mobiliers à concurrence de 57.590 (exercice d’imposition 2017) qui n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul des cotisations sociales dues en vertu de l’arrêté royal nº 38[3]. Ces revenus ne seront plus communiqués à l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI) par le SPF Finances[4]. En effet, « les caisses d’assurances sociales n’obtiendront donc plus communication de ces revenus qui se situent en dessous du plafond précité. Elles obtiendront seulement communication des revenus de droits d’auteur ou de droits voisins supérieurs au plafond et taxés en tant que revenus professionnels visés aux articles 23, § 1er, 1º ou 2º, ou 30, 2º, du Code des impôts sur les revenus »[5].

D’autre part, en application de l’article 5 de l’A.R. n°38, les personnes qui jouissent de droits d’auteur ne sont pas assujetties au statut social si elles bénéficient déjà d’un statut social au moins équivalent[6].

Bien qu’assujetti au statut social des travailleurs indépendants, les revenus de droits d’auteur que perçoit cet indépendant ne sont pas passibles de cotisations sociales. Par conséquent, les cotisations sociales que devra payer ce travailleur indépendant seront calculées exclusivement sur les revenus provenant de son autre activité indépendante[7].

Cette position est confirmée par l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 20 janvier 2009 qui rappelle que : « Pour les personnes qui déclarent des droits d’au­teur et des revenus d’indépendant, les cotisations doivent uniquement être calculées sur la base des revenus d’in­dépendant »[8]

En d’autres termes, si le titulaire des droits est déjà indépendant pour une autre activité, il ne paiera des cotisations sociales que sur la partie des droits qualifiée de revenus professionnels.

Lorsque les revenus issus de ces droits d’auteur dépassent les 57.590 € (exercice d’imposition 2017), le surplus ne peut toujours pas être pris en considération pour le calcul des cotisations sociales. Pour les raisons susmentionnées, les cotisations sociales de ces personnes ne peuvent être calculées que sur les seuls revenus professionnels provenant de leur autre activité indépendante[9].

L’INASTI apporte toutefois la précision suivante : « Du fait que le fisc communique seulement un montant global via l’INASTI aux caisses d’assurances sociales, le travailleur indépendant devra communiquer lui-même le surplus (c.-à-d. le montant de ses droits d’auteur qui dépasse les 51.920 €) à sa caisse d’assurances sociales (en utilisant la fiche 281.45 ou 281.50), pour que cette caisse soit en mesure de défalquer ledit surplus de la base de calcul de ses cotisations sociales. La charge de la preuve repose dès lors dans le chef du travailleur indépendant et la caisse d’assurances sociales ne doit, en cas d’absence de preuves/données claires fournies par l’affilié-même, entreprendre aucune démarche en vue d’être en mesure de défalquer le montant exact des droits d’auteur de la base de calcul des cotisations sociales de l’affilié »[10].

 

  • Cas des personnes ne jouissant d’aucun autre revenu à part les revenus provenant des droits d’auteur, et ne bénéficiant pas d’un statut social au moins équivalent à celui des travailleurs indépendants

Le simple fait qu’un travailleur indépendant ne bénéficie d’aucun autre revenu à part les revenus de droits d’auteur ne suffit pas pour être assujetti au statut social des travailleurs indépendants. En effet, « ces personnes pourront être assujetties au statut social des travailleurs indépendants sur la base de l’article 5 de l’A.R. n°38 si la jouissance de droits d’auteur peut être qualifiée d’activité professionnelle telle définie à l’article 3 de l’A.R. n°38 »[11].

Ainsi, la jurisprudence belge confirme que si une personne bénéficie de droits d’auteur mais n’exerce pas d’activité professionnelle, elle n’est pas assujettie au statut social, le seul critère fiscal ne suffisant pas[12].

En revanche, dès lors que le titulaire de droits d’auteur n’est pas couvert pas un statut social autre, et que la jouissance des droits d’auteur est qualifiable d’activité professionnelle indépendante, le titulaire des droits devra s’assujettir au statut social des travailleurs indépendants dès le premier euro reçu.

Comme le rappelle la Cour du Travail d’Anvers du 20 mai 2008, « les droits d’auteur interviennent pour le calcul des cotisa­tions si leur bénéficiaire n’a pas d’autre statut équivalent »[13].

Ainsi, pour ceux dont les revenus se composent uniquement de droits d’auteur et qui sont soumis au statut social, les cotisations sont calculées compte tenu de ces revenus[14]. Cependant, tant que le titulaire reste en dessous du plafond, il ne paiera que les cotisations minimales légalement prévues.

Par contre, l’INASTI précise que « si leur revenus dépassent le montant de [51.920 EUR], les cotisations sociales seront calculées sur la base du montant de ce surplus (c.-à-d. du montant de leurs droits d’auteur qui dépasse les [51.920 EUR]). Tant que ce surplus n’excède pas les [11.824,39 EUR], ces personnes seront redevables de cotisations d’un montant équivalent au montant minimal fixé pour les travailleurs indépendants à titre principal, mais dès que ce surplus (au-delà de [51.920 EUR]) dépasse les [11.824,39 EUR], les cotisations sociales seront calculées sur les revenus réels dépassant [51.920 EUR], conformément aux pourcentages en vigueur pour les travailleurs indépendants à titre principal (article 12 §1er, 1° et 2° A.R. n°38) »[15].

 

CONCLUSION

En vertu de l’article 5 de l’A.R. n°38, les personnes qui jouissent de droits d’auteur ne sont pas assujetties au statut social si elles bénéficient déjà d’un statut social au moins équivalent à celui des travailleurs indépendants.

 

[1] Cour du Travail Anvers 20 mai 2008, Soc. Kron. 2009, 537.

[2] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[3] F. COPPENS, « Des cotisations sociales sur les revenus de droits d’auteur? », 21 octobre 2014, http://www.francoiscoppens.be/cotisations-sociales-droits-dauteur/

[4] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[5] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[6] Cour du Travail Anvers 20 mai 2008, Soc. Kron. 2009, 537.

[7] N.VAN DIEST et P. VERSCHELDEN, Quid de l’indemnité recue pour la cession ou la concession des droits d’auteur et droits voisins?, PACIOLI IPCF, 2015, p. 5.

[8] Cour du Travail Liège 20 janvier 2009, Soc. Kron. 2009, 539.

[9] INASTI, Note aux caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants, 31 mai 2010, p. 2.

[10] INASTI, Note aux caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants, 31 mai 2010, p. 2.

[11] INASTI, Note aux caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants, 31 mai 2010, p. 3.

[12] C. trav. Liège, sect. Namur, 25 juin 2013, R.G. 2012/AN/102 ; C. trav. Liège, 10 mars 1998, Chron. Dr. Soc., 2001, p. 203.

[13] Cour du Travail Anvers 20 mai 2008, Soc. Kron. 2009, 537; Cour du travail de Liège, section Namur, 25 juin 2013, R.G. 2012/AN/102.

[14] N.VAN DIEST et P. VERSCHELDEN, Quid de l’indemnité recue pour la cession ou la concession des droits d’auteur et droits voisins?, PACIOLI IPCF, 2015, p. 5.

[15] INASTI, Note aux caisses d’assurances sociales pour travailleurs indépendants, 31 mai 2010, p. 3.

 

 

 


 

Eu égard à l’indépendant complémentaire : Il semblerait que le titulaire des droits serait dans l’obligation de payer des cotisations sociales sur le montant de la rémunération de droits d’auteur dès lors qu’il existe une similitude ou une quelconque confusion entre les deux fonctions.

 

 

[1] Cour Trav. Gand (6e ch.), 24 décembre 2001. – T.G.R., 2002, 176.

[2] M. DAVAGLE, Le travail complémentaire en qualité de travailleur indépendant, ASBL info 2007, liv. 18, 6-7.

[3] Cour Trav. Gand (6e ch.), 24 décembre 2001. – T.G.R., 2002, 176 : « La sécurité sociale peut invoquer la présomption de l’article 5   bis de la loi sur les contrats de travail ».

[4] P. BEYENS et V. VERMEULEN, « La dualité de fonctions : mandataire de société et salarié ? » http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=25&id=203

[5] P. BEYENS et V. VERMEULEN, « La dualité de fonctions : mandataire de société et salarié ? » http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=25&id=203