A compter du 1er janvier 2008, tous les droits d’auteur qui ne dépassent pas une somme annuelle de 57.590 € (exercice d’imposition 2017) sont considérés par la loi du 16 juillet 2008 (M.B., 30 juillet 2008) comme des revenus mobiliers soumis à un précompte mobilier de 15%, et non plus comme des revenus professionnels.

Outre les questions de droit intellectuel soulevées par la cession des droits d’auteur sur les œuvres créées par les travailleurs, cette opération juridique pose également de nombreuses questions en droit du travail et en droit de la sécurité sociale.

Cet article a pour objectif d’identifier, selon les différentes sources du droit, la nature juridique de l’indemnité pour droits d’auteur octroyée à un auteur afin de déterminer si cette indemnité est passible de cotisations sociales pour l’indépendant complémentaire.


1. POUR L’INDEPENDANT

Comme expliqué en profondeur dans l’article intitulé « Les indépendants doivent-ils payer des cotisations sociales sur leurs revenus de droits d’auteur« , les revenus de droits d’auteur ne seront pas pris en compte dans la base de calcul des cotisations sociales que devra payer une personne en tant que travailleur indépendant. Les motifs sont doubles:

D’une part, comme le rappelle François Coppens qui relève le raisonnement confirmé par la ministre en charge devant le parlement

[1] : en matière fiscale, les revenus de droits d’auteur ne sont pas considérés comme des revenus professionnels, mais comme des revenus mobiliers à concurrence de 57.590 (exercice d’imposition 2017) qui n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul des cotisations sociales dues en vertu de l’arrêté royal nº 38[2]. Ces revenus ne seront plus communiqués à l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI) par le SPF Finances[3]. En effet, « les caisses d’assurances sociales n’obtiendront donc plus communication de ces revenus qui se situent en dessous du plafond précité. Elles obtiendront seulement communication des revenus de droits d’auteur ou de droits voisins supérieurs au plafond et taxés en tant que revenus professionnels visés aux articles 23, § 1er, 1º ou 2º, ou 30, 2º, du Code des impôts sur les revenus »[4].

D’autre part, en application de l’article 5 de l’A.R. n°38, les personnes qui jouissent de droits d’auteur ne sont pas assujetties au statut social si elles bénéficient déjà d’un statut social au moins équivalent[5].

 

2. POUR L’INDEPENDANT COMPLEMENTAIRE

Les indépendants à titre complémentaire ont, en principe, les mêmes obligations sociales que les indépendants à titre principal, soit s’affilier auprès d’une caisse d’assurances sociales, payer les cotisations sociales, déclarer votre activité à la mutuelle.

La discussion concernant les cotisations de sécurité sociale sur les indemnités accordées aux travailleurs s’étend à la question de savoir si des cotisations sociales d’indépendant sont dues sur des droits d’auteur accordés à des indépendants à titre complémentaire.

 

  • Activités similaires

En vertu de l’article 5bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les prestations complémentaires effectuées par un travailleur sous contrat de travail au profit du même employeur sont considérées avoir été effectuées dans le cadre d’un contrat de travail (malgré la qualification contraire) pour autant que les prestations fournies en vertu du contrat et celles complémentaires soient similaires[1].

 

Cet article institue donc une présomption sans que la preuve du contraire puisse être apportée suivant laquelle une personne qui preste au profit d’une société des services, tout en exerçant au sein de cette même société une activité salariée complémentaire ou analogue, est présumée exercer toutes ses activités en qualité de salarié[2].

Partant de ces considérations, l’indemnité relative à la cession des droits d’auteur sera passible de cotisations sociales si les fonctions assumées en tant que salarié se rapprochent, même sensiblement, de celles exercées en tant qu’ « indépendant »[3].

 

  • Activités distinctes

La réalité des relations sociales doit être vraisemblable et l’activité salariée doit correspondre à une véritable fonction commerciale ou administrative distincte de celle prévoyant la cession des droits d’auteur[4]. Les tribunaux vérifieront, en cas de litige, s’il y a exercice réel d’une activité distincte des deux fonctions.

De manière générale, il faut, pour pouvoir bénéficier de la dualité de fonction, exercer des activités distinctes (les activités énumérées dans le contrat de travail ne doivent pas recouvrir celles prévues dans le cadre de l’activité qui engendre une cession des droits d’auteur) au sein de la même société.

« Les principaux critères pris en compte pour établir s’il y a bien dualité de fonction (et donc des activités distinctes exercées par l’employé) sont :

  • la nature des activités concernées ;
  • la position ainsi que l’importance des compétences ;
  • la manière dont les activités sont exercées ;
  • la rémunération ;
  • le lien de subordination: en examinant la possibilité juridique d’un tel lien de subordination et en appliquant la méthode des indices. »[5]

Eu égard à ce qui précède, l’indemnisation de la cession des droits d’auteur d’un indépendant complémentaire échappera aux cotisations sociales uniquement s’il n’existe aucune confusion ni similitude entre les fonctions exercées en tant que salarié et en tant qu’indépendant. Dans le cas contraire, grandes sont les probabilités que l’O.N.S.S. considère qu’il existe un lien étroit avec l’engagement pris en tant que salarié, et requalifiera de la sorte l’indemnité en « salaire ».

 

CONCLUSION

Eu égard aux indépendants : En vertu de l’article 5 de l’A.R. n°38, les personnes qui jouissent de droits d’auteur ne sont pas assujetties au statut social si elles bénéficient déjà d’un statut social au moins équivalent à celui des travailleurs indépendants.

Eu égard à l’indépendant complémentaire : Il semblerait que le titulaire des droits serait dans l’obligation de payer des cotisations sociales sur le montant de la rémunération de droits d’auteur dès lors qu’il existe une similitude ou une quelconque confusion entre les deux fonctions.

 

[1] Le livre 5 du Titre XI du Code de droit économique est venu remplacer l’ancienne loi du 30 juin 1994 relative aux droits d’auteur et droits voisins, abrogée par la Loi du 19 avril 2014 (Article 32§2). Toutefois, l’ensemble des dispositions de la loi du 30 juin 1994 a été repris dans le Code de telle manière que le régime applicable reste inchangé.

[1] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[2] F. COPPENS, « Des cotisations sociales sur les revenus de droits d’auteur? », 21 octobre 2014, http://www.francoiscoppens.be/cotisations-sociales-droits-dauteur/

[3] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[4] SÉNAT Question écrite n° 4-1391 de Pol Van Den Driessche (CD&V N-VA) à la premier ministre, Droits d’auteurs – Nouveau statut fiscal – Conséquences sur le plan de la sécurité sociale, Session 2007-2008, 21 aôut 2008.

[5] Cour du Travail Anvers 20 mai 2008, Soc. Kron. 2009, 537.

[1] Cour Trav. Gand (6e ch.), 24 décembre 2001. – T.G.R., 2002, 176.

[2] M. DAVAGLE, Le travail complémentaire en qualité de travailleur indépendant, ASBL info 2007, liv. 18, 6-7.

[3] Cour Trav. Gand (6e ch.), 24 décembre 2001. – T.G.R., 2002, 176 : « La sécurité sociale peut invoquer la présomption de l’article 5   bis de la loi sur les contrats de travail ».

[4] P. BEYENS et V. VERMEULEN, « La dualité de fonctions : mandataire de société et salarié ? » http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=25&id=203

[5] P. BEYENS et V. VERMEULEN, « La dualité de fonctions : mandataire de société et salarié ? » http://www.droitbelge.be/fiches_detail.asp?idcat=25&id=203