UNE ASBL PEUT-ELLE EXERCER DES ACTIVITES COMMERCIALES A TITRE PRINCIPAL ?
L’ASBL est définie par la loi du 27 juin 1921 comme étant une association « qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales et qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel » Par contre, la portée qu’il faut donner à ces deux notions divise la doctrine. Est au centre de vives controverses, la pratique des ASBL qui exercent, à titre principal, des activités à caractère commercial. « La loi du 2 mai 2002 qui a apporté diverses modifications au texte originel de 1921 n’a pas reformulé la définition de l’ASBL, laissant ainsi la doctrine et la jurisprudence toujours aux prises avec les mêmes divisions »[2]. Le caractère non lucratif des buts de l’association détermine non seulement le régime légal applicable (loi sur les ASBL ou Code de sociétés) mais également le régime fiscal applicable (impôt des personnes morales ou impôt des sociétés). ACTIVITES EXERCEES A TITRE PRINCIPAL Pour rappel, l’association sans but lucratif est celle qui réunit deux conditions négatives : Concernant la première interdiction, il existe deux grandes thèses tant en doctrine qu’en jurisprudence : 1.1. Première thèse En privilégiant la notion d’« activités lucratives » au détriment des « activités industrielle ou commerciales », les partisans entendent interdire aux ASBL d’exercer à titre principal toutes activités susceptibles de dégager des bénéfices. « Ainsi, la seule recherche d’un bénéfice (notion objective de lucre) suffirait donc à conférer un caractère lucratif à l’activité. Autrement dit, dès le moment où une ASBL ou une AISBL est organisée de manière à s’assurer un « rendement favorable », elle réaliserait une activité objectivement lucrative. La notion objective de lucre est donc appréciée en fonction d’une intention, et donc, si l’association termine son exercice en boni ou en déficit, cet élément n’est pas déterminant pour apprécier la notion de lucre objectif »[5]. Par conséquent, les partisans de la première définition considèrent-ils que des activités lucratives ne peuvent pas être réalisées à titre principal par les ASBL et qu’elles ne peuvent être qu’accessoires à l’activité principale. Selon les partisans de cette thèse, l’ASBL qui se livre à titre principal ou prioritaire à des opérations à caractère commercial ou industriel pourrait se voir requalifiée en société commerciale[6]. Cette thèse est aujourd’hui contredite par les partisans de la deuxième thèse. 1.2. Deuxième thèse Selon les partisans de la deuxième thèse, il est évident qu’une ASBL peut réaliser, à titre principal, des activités à caractère commercial (ou des activités objectivement lucratives) mais celles-ci doivent nécessairement permettre à l’ASBL d’atteindre son but non lucratif et les bénéfices éventuellement dégagés doivent être exclusivement affectés à la poursuite de ce but non lucratif. Plus encore, «les bénéfices ne peuvent être réalisés dans le but d’enrichir anormalement l’ASBL (le but n’étant plus dans cette hypothèse désintéressé) car on peut légitimement craindre qu’un enrichissement anormal de l’association débouche sur un enrichissement patrimonial des membres sous la forme d’une rémunération anormalement plantureuse et (ou) d’avantages matériels anormalement importants »[7]. Cette thèse suivie par un courant doctrinal[8] et jurisprudentiel[9] de plus en plus important permet ainsi à l’ASBL de réaliser des activités lucratives à titre principal pour autant qu’elles permettent d’atteindre le but que la personne morale s’est assigné et que les bénéfices réalisés soient affectés à ce but désintéressé. L’arrêt rendu le 3 octobre 1996 par la Cour de cassation confirme cette thèse puisque, selon les termes de l’arrêt, l’activité doit être accessoire au but désintéressé et non, comme certains l’affirment, à l’activité principale[10]. A ce sujet, le Tribunal de commerce de Bruxelles s’exprime de manière très claire: «Une association sans but lucratif peut exercer des activités lucratives, commerciales ou non, pour autant qu’elle en affecte les bénéfices à la seule réalisation des fins désintéressées qu’elle poursuit; autrement dit, elle ne peut rechercher son propre enrichissement, ni celui de ses membres»[11]. Il va dès lors sans dire que cette deuxième thèse est celle qui non seulement traduit au mieux l’esprit du législateur de 1921 mais qui correspond aux réalités et aux besoins actuels du secteur non marchand. Toute autre est la question de savoir si ces activités commerciales peuvent être exercées à titre accessoire, occasionne ou non prioritaire. Conclusion Par conséquent, sur le plan juridique, les limites applicables aux activités d’une ASBL sont les suivantes : [1] Art. 1er, al. 3, loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. [2] M. DAVAGLE, La loi autorise-t-elle les ASBL à exercer des activités commerciales ?, ASBL et Activités Marchanges, 2009, p. 78. [3]Article 1 et article 46, loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. [4] DENEF, M., «Wet van 2 mei 2002 betreffende de verenigingen zonder winstoogmerk, de internationale verenigingen zonder winstoogmerk en de stichtingen», Droit bancaire et financier – Bank- en Financieel Recht, Larcier, Juli-Augustus 2002, p. 242. [5] C. BOERAEVE et M. DAVAGLE, L’essentiel ASBL, AISBL et Fondations, Edipro, 2009, p. 39. [6] C. BOERAEVE et M. DAVAGLE, L’essentiel ASBL, AISBL et Fondations, Edipro, 2009, p. 39. [7] C. BOERAEVE et M. DAVAGLE, L’essentiel ASBL, AISBL et Fondations, Edipro, 2009, p. 40. [8] BRIET, H. et VERDONCK, P. « Les associations sans but lucratif », in La réforme du droit des ASBL et des fondations, Bruxelles, Editions du Jeune Barreau de Bruxelles, 2003, p. 12 ; Lefebvre, Traité pratique de droit commercial, t. II, no 248; M.-M. MEEUS, S. DEROUBAIX, J.F. ISTASSE, L’asbl en 101 réponses à vos questions, Luc Pire, 2005, p. 23; Parmentier, C., «Observations – associations sans but lucratif, commercialité et faillite», note sous Mons, 5 mai 1998, R.D.C., 1999, p. 338 ; VAN GERVEN, D., « Kroniek verenigingen 1992 », T.R.V., 1993, p. 456. [9] Bruxelles 23 décembre 2004, J.D.S.C., 2008, n° 810, p. 8, obs. M. COIPEL R.D.C., 2006, liv. 4, p. 434, note H. DE WULF ; Liège, 9 février 1996, R.R.D., 1996, p. 441 ; Comm. Bruxelles, 7 novembre 2000, Rev.Prat.Soc., 2000, p. 398, J.D.S.C., 2004, n° 624, p. 22, obs. M. COIPEL ; Comm. Bruxelles, 21 février 1990, T.R.V., 1990, p. 129, note H. LAGA. [10] Cass., 3 octobre 1996, Pas., 1996, I, p. 902, Rev.Prat.Soc., 1997, p. 259. [11] Comm. Bruxelles, 7 novembre 2000, Rev.Prat.Soc., 2000, p. 398, obs.