La preuve du dol ne peut se tirer de la convention elle-même, elle doit être apportée par la partie qui stipule qu’il y a eu un dol lors de la conclusion du contrat et ce par toute voie de droit (section I). Ensuite, une fois la preuve du dol apportée, il faut le sanctionner. Cela nécessite néanmoins une distinction entre le dol principal et le dol incident (section II). Ce n’est qu’après avoir distinguer ces deux notions que le juge pourra réellement trancher le litige en sanctionnant le dol (section III).

 

Section I- Preuve du dol

Selon l’article 1116 alinéa 2 du code civil, « le dol ne se présume pas et doit être prouvé ». La preuve incombe à la partie qui se déclare victime du dol et peut être apportée par toutes voies de droit

[2]. A priori, de cette disposition, on pourrait déduire une exclusion de la preuve par présomption[3]. Cependant, la Cour de cassation a affirmé dans une jurisprudence relativement récente que la preuve du dol peut être apportée « par toutes voies de droit » notamment par la présomption[4].

En affirmant que le dol pouvait être démontré par présomption, la Cour de cassation contredit ouvertement le prescrit légal de l’article 1116 du code civil susmentionné. Certains auteurs considèrent cependant, qu’il ne s’agit pas d’une contradiction. En effet, selon certains, la jurisprudence récente de la Cour de cassation ne fait qu’expliquer que la preuve du dol ne peut se déduire de la convention elle-même, la preuve devant être démontré spécifiquement[5].

 

Section II- Distinction entre dol principal et dol incident

La doctrine et la jurisprudence majoritaire opèrent  la distinction entre le dol principal (§1) et le dol incident (2§).

  • 1- le dol principal :

C’est celui qui a été « la cause déterminante du consentement de la partie victime[6] ». En d’autres termes, elle n’aurait pas contracté sans le dol de la partie adverse.

  • 2- le dol incident :

Le dol incident est celui qui a influencé considérablement la conclusion du contrat. Sans le dol, le contrat aurait quand même était conclu mais à d’autres conditions[7].

 

Section III- Intérêt pratique de la distinction

La distinction entre dol principal et dol incident est-elle légitime ? La question est controversée en raison de la difficulté psychologique d’établir la différence entre une tromperie sans laquelle la convention n’aurait pas existé et une tromperie sans laquelle la partie aurait contracté mais à d’autres conditions[8]. En réalité, la distinction trouve sa légitimité lorsqu’on l’envisage du point de vue de la différence de sanction.

Sur base de l’article 1304, on peut en déduire que le dol principal est sanctionné par une nullité relative. Seule la victime du dol peut invoquer la nullité du contrat pour obtenir son annulation[9]. Elle peut aussi choisir de renoncer à cette nullité[10]. L’article 1304 du code civil précise que «l’action en nullité se prescrit par dix ans. Le délai prend court à compté du moment où le dol a été découvert[11] ». En ce qui concerne le dol incident, la validité du contrat n’est pas menacée. Il ne donne lieu qu’à des dommages et intérêt sur base de la responsabilité extra-contractuelle consacrée par l’article 1382 du code civil[12].

 

[2] Du point de vue de la charge de la preuve, on applique le droit commun conformément à l’article 1315 du code civil. Voy., A. COIBIONS « Le dol en matière de conventions de cession d’actions. La revanche de l’ingénu », note, R.D.C, 2001, p.55.

[3] A.COIBIONS, « Le dol en matière de conventions de cessions d’actions. La revanche de l’ingénu. », note, R.D.C, 2001, p. 55.

[4] Cass. (1re ch.), 25 février 2000, Pas., 2000, p. 473.

[5] A. COIBIONS, « Le dol en matière de conventions de cessions d’actions. La revanche de l’ingénu. », note, R.D.C, 2001, p. 55..

[6] P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, tome I, Introduction Sources des obligations (première partie), Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 254.

[7] Ibidem, p.254.

[8] P. Van Ommeslaghe, « Examen de jurisprudence (1968-1973) », Les obligations, R.C.J.B., 1975, p 445.

[9] J. LIMPENS et R. KRUITHOF, « Examen de jurisprudence (1864-1967) », Les contrats, R.C.J.B., 1969, p. 210.

[10] P. WERY, Précis, Droit des obligations, Théorie général du contrat, vol.1, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 231.

[11] Ibidem, p. 231.

[12] Cass.(3e ch.), 10 novembre 2008, J.T.T, 2009, p. 20.