Il est toujours utile de procéder à quelques rappels dans le secteur culturel et artistique. Bien au-delà du secteur culturel et artistique, la protection des droits d’auteur s’étend également aux entrepreneurs de tout bord ainsi qu’aux employés amenés à réaliser toute création originale dans le cadre de leur activité professionnelle.
Ainsi, il suffit que deux conditions soient rencontrées pour bénéficier de la protection offerte par le droit d’auteur sur une création, à savoir :
– la mise en forme,
– et l’originalité.
Contrairement au droit des marques ou des brevets, il n’est donc nullement nécessaire de procéder à un enregistrement pour protéger ses œuvres (sauf à vouloir obtenir une date certaine attachée à la création).
La jurisprudence s’est chargée de délimiter les contours de ces deux conditions.
La condition d’originalité avait déjà été commentée par la Cour de justice de la Communauté Européenne dans l e célèbre arrêt Infopaq (1). Selon la Cour, le critère d’originalité est rempli si l’œuvre sur laquelle la protection par le droit d’auteur est revendiquée a « permis à l’auteur d’exprimer son esprit créateur de manière originale et d’aboutir à un résultat constituant une création intellectuelle».
Quelques années plus tard, dans l’affaire Painer (2) la Cour se penche à nouveau sur cette condition d’originalité.
La Cour commença par rappeler sa jurisprudence Infopaq en ce sens qu’une œuvre originale doit être comprise comme une « création intellectuelle propre à son auteur » et, conformément au dix-septième considérant de la directive 93/98, refléter la personnalité de celui-ci (§§87-88).
Selon la Cour, cette condition est remplie à partir du moment où « l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs » (§89), c’est-à-dire en y insufflant sa « touche personnelle » (§92)
La Cour poursuit en précisant qu’en matière photographique, et plus particulièrement en matière de portrait, l’auteur pourra poser ces choix libres et créatifs à divers moments et de plusieurs façons (§90) :
- Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage ;
- Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée ;
- Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels (§91).Une photographie de portrait pourra donc, selon la Cour, être protégée par le droit d’auteur pour autant qu’elle constitue une « création intellectuelle de l’auteur reflétant la personnalité de ce dernier et se manifestant par des choix libres et créatifs lors de la réalisation de cette photographie » (§94).La Cour rappelle enfin que la protection accordée par le droit d’auteur est uniforme et ne varie pas selon le type d’œuvre (§97-98).L’enseignement principal de cet arrêt porte donc sur la première condition de protection, à savoir l’originalité, qui peut être rencontrée à différents stades du processus créatif.Nous en profitons donc pour rappeler aux artistes de bien documenter leur processus créatif (ne rien jeter !), car en cas d’atteinte à leur droit, ce sont notamment ses éléments que nous examinons afin de prouver l’originalité de l’œuvre, et ce à tout stade du processus créatif.
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- (2) C.J.U.E., 1er décembre 2011, C-145/10, Painer.
- (1) C.J.C.E., 16 juillet 2009, C-5/08, Infopaq;
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