1. Obligation d’immatriculation en Belgique

L’obligation d’immatriculer un véhicule en Belgique est fixée par l’Arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules  (ci-après l’AR).

L’article 2 de l’AR  prévoit expressément que :

« Un véhicule ne peut être mis en circulation que s’il est immatriculé et s’il porte la plaque d’immatriculation accordée lors de l’immatriculation ».

La notion de véhicule telle que définie par l’AR fait référence à l’article 1er § 2 de l’Arrêté royal du 15 mars 1968 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles, leurs remorques, leurs éléments ainsi que les accessoires de sécurité.

Ainsi,  le terme véhicule automobile désigne :

« Tout véhicule à moteur dont la tare est supérieure à 400 kg autre que les cyclomoteurs et les motocyclettes, tels que  ceux-ci sont définis à l’article 1er de l’arrêté royal du 10 octobre 1974 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les cyclomoteurs et les motocyclettes ainsi que leurs remorques ». »

2. Mise en circulation et critère de résidence

Le régime applicable à l’obligation d’immatriculer varie en fonction du lieu de la résidence de la personne qui met en circulation le véhicule.

L’AR utilise le critère de résidence pour distinguer les obligations de mise en circulation.

La mise en circulation du véhicule signifie « circuler, être à l’arrêt ou stationner sur la voie publique en Belgique »

Etre résident en Belgique au sens de l’AR implique être inscrit « dans les registres de la population d’une commune belge ». En outre, l’article 1er de l’AR définit la résidence principale comme le lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage composé de plusieurs personnes, unies ou non par des liens de parenté, soit le lieu où vit habituellement une personne isolée.

2.1. Mise en circulation de véhicules par des personnes résidant en Belgique

L’article 3 de l’AR prévoit que :

« § 1er. Les personnes résidant en Belgique immatriculent les véhicules qu’elles souhaitent mettre en circulation en Belgique au répertoire des véhicules vise à l’article 6, même si ces véhicules sont déjà immatriculés à l’étranger. La résidence en Belgique signifie que ces personnes répondent à une des conditions suivantes :

a) être inscrites dans les registres de la population d’une commune belge;

b) (être inscrit dans la Banque-Carrefour belge des Entreprises comme personne morale;

c) en tant que personne morale être constituée par ou en vertu du droit international ou étranger et disposer d’un établissement fixe en Belgique où le véhicule est géré ou utilisé.) ».

La lecture de ce premier paragraphe énonce que les personnes résidant en Belgique immatriculent les véhicules qu’elles souhaitent mettre en circulation en Belgique au répertoire des véhicules même si ces véhicules sont déjà immatriculés à l’étranger.

Cependant, le paragraphe 2 du même article prévoit une exception à l’obligation d’immatriculation en Belgique:

« (Dans les cas ci-après, l’immatriculation en Belgique des véhicules immatriculés à l’étranger, et mis en circulation par les personnes visées au § 1er, n’est pas obligatoire pour :

2° le véhicule qu’une personne physique utilise dans l’exercice de sa profession et accessoirement à titre privé et qui est mis à disposition par un employeur étranger auquel cette personne est liée par un contrat de travail; dans ce cas, une attestation fournie par l’administration qui a la T.V.A. dans ses attributions doit se trouver à bord du véhicule; les conditions détaillées sur l’usage du véhicule sont fixées par le Ministre des Finances;

Ainsi, la circulaire n° 43/2006 du 21 décembre 2006 qui a pour objet d’exposer les conséquences en matière de TVA dans la situation où une entreprise établie dans un autre Etat membre met de manière permanente un véhicule qui n’est pas destiné à être exclusivement utilisé pour un usage professionnel (voiture, voiture mixte, minibus, véhicule tout terrain) à la disposition d’un de ses employés, résidant en Belgique prévoit en son 4.2.2. d) que :

« Le résident belge doit être un “employé” de l’entreprise. Cela signifie qu’il doit être un travailleur salarié de l’entreprise qui lui met le véhicule à disposition. Le résident belge peut également être gérant, actionnaire ou administrateur de l’entreprise qui lui met le véhicule à disposition mais doit dans cette situation justifier exercer une activité au sein de l’entreprise (gérant, comptable, secrétaire …) et être rémunéré pour cette activité. N’est pas un “employé” et ne peut donc bénéficier du régime l’actionnaire ou l’administrateur de l’entreprise qui n’exerce aucune activité au sein de celle-ci hormis la perception des dividendes et le cas échéant la participation au Conseil d’administration » (nous soulignons).

2.2. Mise en circulation par des personnes résidant à l’étranger

L’arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules prévoit en son article 4 que :

« Les personnes résidant à l’étranger peuvent mettre en circulation en Belgique des véhicules immatriculés à l’étranger pourvu que les véhicules soient immatriculés dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie des conventions sur la circulation routière et qu’ils portent les plaques d’immatriculation prescrites par la législation de l’Etat où ils sont immatriculés. Tous les véhicules susvisés doivent en outre porter à l’arrière la ou les lettres imposées par les conventions susvisées ou par l’Union européenne afin de désigner l’Etat où le véhicule est immatriculé. La preuve de l’immatriculation à l’étranger est apportée par la présentation du certificat d’immatriculation délivré conformément à la législation de l’Etat d’immatriculation. (En vue de l’identification du véhicule dans la circulation internationale, le conducteur doit avoir le certificat d’immatriculation ou la partie I d’un certificat d’immatriculation en deux parties, à bord de son véhicule, chaque fois que ce dernier participe à la circulation.) » (nous soulignons).

3. Examen de la légalité des 7 conditions posées par l’administration de la TVA

Des dispositions belges applicables à ce jour, il ressort qu’une société luxembourgeoise doit en principe immatriculer en Belgique les véhicules de société lui appartenant et mis à la disposition d’employés/administrateurs résidents belges. Toutefois, l’administration de la TVA belge pose sept conditions de fond qui, si elles sont remplies, permet à  la société de demander à l’administration belge de la TVA à bénéficier d’une exception à cette obligation d’immatriculation. Si l’administration précitée fait droit à cette demande, elle délivrera une attestation à conserver dans les véhicules concernés et à présenter en cas de contrôle.

La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes établi clairement que les dispositions belges applicables sont contraires à la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement, libertés consacrées par le Traité instituant la Communauté européenne. Si les dispositions administratives belges sont illégales au regard du droit européen, elles le sont également au regard du droit belge uniquement.

Au regard de la jurisprudence européenne et belge, les véhicules de société ne doivent pas être immatriculés en Belgique mais bien au Luxembourg.

a) Arrêté royal, Instruction et Circulaire

L’obligation d’immatriculer un véhicule en Belgique est fixée par l’Arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules (ci-après : l’AR).

Le régime varie selon la résidence de la personne qui met en circulation le véhicule. Vu que mettre en circulation un véhicule signifie « circuler, être à l’arrêt ou stationner sur la voie publique en Belgique », la condition de la résidence devra être vérifiée dans le chef des employés et des administrateurs de la société.

Sur la base de l’AR probablement, le 1er août 2003 une instruction n° 581.21/29-32 relative à la taxe de circulation sur les véhicules automobiles (ci-après : l’Instruction) est adoptée selon laquelle :

« L’exemption pour les véhicules appartenant à une entreprise étrangère et immatriculés à l’étranger utilisés par des résidents employés belges est subordonnée aux conditions suivantes :

  • l’employeur doit être établi à l’étranger ;
  • le lieu de travail n’a pas d’importance ;
  • le résident employé belge (un employé est une personne qui travaille dans le cadre d’un contrat de travail) bénéficie de cette exemption lorsque le véhicule est exclusivement utilisé aux fins (professionnelles et, le cas échéant, accessoirement privées) autorisées par l’employeur. 

Les dirigeants d’entreprises, administrateurs et gérants ne bénéficient de cette exemption que si le véhicule est exclusivement utilisé pour le trajet entre le domicile et le lieu de travail.

La preuve du respect des conditions susmentionnées est établie par la production, d’une attestation délivrée par l’Administration de la fiscalité des entreprises et des revenus, secteur TVA. Cette attestation doit toujours se trouver à bord du véhicule (cf. annexe 3) ».

Au moyen de l’Instruction, le Ministre des Finances fixe donc des :

  1. conditions de fond. Il faut ici distinguer les employés des administrateurs. Ainsi :
  • les employés d’une société étrangère peuvent bénéficier de l’exception à l’obligation d’immatriculer la voiture de société en Belgique si trois conditions sont remplies (à vérifier donc concrètement pour chaque personne concernée); et
  • les administrateurs ne pourraient pas bénéficier de l’exception à l’obligation d’immatriculer la voiture de société en Belgique si leurs déplacements sur le territoire belge ne se limitent pas aux déplacements domicile / lieu de travail ; et

2. condition de forme, en vertu de laquelle il faut se procurer une attestation auprès de l’administration de la TVA. Les conditions pour obtenir cette attestation sont décrites dans une circulaire du 21 décembre 2006 (ci-après : la Circulaire) en vertu de laquelle les conditions pour obtenir cette attestation sont les suivantes :

« en ce qui concerne l’entreprise :

a) par “entreprise établie en dehors du territoire de la Belgique”, il y a lieu d’entendre l’entreprise qui est établie dans un autre Etat membre de la Communauté et qui n’a pas de siège ou d’établissement stable en Belgique. Lorsque l’entreprise qui est établie dans un autre Etat membre a une société sœur qui est établie en Belgique, le bénéfice du régime n’est pas exclu à condition qu’il soit démontré que le résident belge effectue des prestations exclusivement pour la société étrangère et ne travaille donc pas pour le siège belge de l’entreprise;

b) le véhicule doit être la propriété de l’entreprise étrangère. Pour ce qui concerne les véhicules pris en location longue durée ou en leasing il est cependant renvoyé au n° 12 ci-avant;

c) l’entreprise qui met le véhicule à disposition doit développer une activité économique réelle dans l’Etat membre où elle est établie.

en ce qui concerne le résident belge : 

d) le résident belge doit être un “employé” de l’entreprise. Cela signifie qu’il doit être un travailleur salarié de l’entreprise qui lui met le véhicule à disposition. Le résident belge peut également être gérant, actionnaire ou administrateur de l’entreprise qui lui met le véhicule à disposition mais doit dans cette situation justifier exercer une activité au sein de l’entreprise (gérant, comptable, secrétaire …) et être rémunéré pour cette activité. N’est pas un “employé” et ne peut donc bénéficier du régime l’actionnaire ou l’administrateur de l’entreprise qui n’exerce aucune activité au sein de celle-ci hormis la perception des dividendes et le cas échéant la participation au Conseil d’administration;

e) l’utilisation du véhicule doit être prévue expressément dans le contrat de travail entre l’entreprise et le résident belge (ou dans un document séparé qui lie l’entreprise et le membre de son personnel). Cette condition n’a pas seulement trait à un contrat formel relatif à la mise à disposition, mais exclut également toute utilisation du véhicule par le résident belge pour une autre activité appointée ou pour une activité en tant que gérant ou administrateur dans une autre société que celle qui a mis le véhicule à disposition;

f) le véhicule doit être principalement utilisé par le résident belge à des fins professionnelles (déplacements domicile – lieu de travail et déplacements professionnels sur l’ordre de l’entreprise) et peut seulement accessoirement être utilisé à des fins privées. Le conjoint et les enfants fiscalement à charge vivant sous le même toit sont aussi autorisés à utiliser le véhicule accessoirement. Le caractère accessoire de l’utilisation privée du véhicule implique également que le régime peut seulement être accordé pour une voiture par membre du personnel;

g) le régime peut être refusé en cas d’utilisation systématique. Est considérée comme utilisation systématique la situation où le véhicule est destiné à être essentiellement utilisé en Belgique à titre permanent. Cela signifie que l’utilisation du véhicule en Belgique doit rester accessoire par rapport à l’utilisation du véhicule à l’étranger et par conséquent que le résident belge doit effectuer de manière habituelle le déplacement domicile (Belgique) – lieu de travail (situé dans un autre Etat membre). Le régime est donc exclu pour le membre du personnel qui utilise le véhicule à partir de son domicile et n’effectue que très rarement le déplacement au siège de l’entreprise étrangère. Le fait que le résident belge effectue de manière habituelle le déplacement à l’étranger doit être prévu dans le contrat de travail (ou dans un document séparé qui lie l’entreprise et le membre de son personnel) ».

La jurisprudence belge et européenne recèle de très nombreuses décisions ne reconnaissant aucune base légale à des « circulaires administratives » ultra ou contra legem.

Ainsi, les dispositions belges, et en particulier cette circulaire qui ne trouve aucun support dans la loi belge, sont éminemment contestables et sont considérées par la Cour de Justice des Communautés Européenne (ci-après : CJCE) comme contraires au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (cfr. point b). Si les dispositions de la circulaire administrative sont contestables au regard du droit européen, elles le sont également au regard du droit belge uniquement (cfr. point c).

b) Position critique de la Cour de Justice des Communautés Européennes

La Cour de Justice des Communautés Européenne (ci-après : CJCE) a rendu plusieurs décisions – ordonnance et arrêt – en réponse à des questions préjudicielles dont une bonne partie posées par des juridictions belges et en raison d’un recours en manquement introduit par la Commission, concernant l’obligation d’immatriculation d’un véhicule de société immatriculé dans l’Etat de l’employeur/société et circulant également dans l’Etat de résidence de l’employé/administrateur/indépendant.

L’immatriculation d’un véhicule impliquant de façon générale la perception de taxe (cfr. point d ci-dessous), la CJCE rappelle tout d’abord dans les différentes décisions rendues que « la taxation des véhicules automobiles n’a pas été harmonisée au niveau communautaire. Les Etats membres sont donc libres d’exercer leur compétence fiscale en ce domaine, à condition de l’exercer dans le respect du droit communautaire » ou encore que « Les Etats membres sont donc libres d’exercer leur compétence fiscale en ce domaine, à condition de l’exercer dans le respect du droit communautaire ».

Cette première précision revêt deux importances particulières :

  1. d’abord, il y a lieu de distinguer la question de l’immatriculation d’un véhicule de la question des taxes dues en raison de cette immatriculation. Même si ces deux questions sont distinctes d’un point de vue juridique, il est exact qu’en droit belge, les taxes décrites au point d) ci-dessous sont dues en raison de l’immatriculation en Belgique d’un véhicule ; et
  2. ensuite, le régime de taxation des véhicules, contrairement à la TVA par exemple, n’a pas été harmonisé par le droit européen. Si les autorités européennes, telles que la CJCE, interviennent, c’est pour s’assurer que les dispositions de droit interne en matière d’immatriculation et de taxation des véhicules notamment ne sont pas contraires à des libertés consacrées par le Traité de Rome, et plus particulièrement à la liberté d’établissement et à la libre circulation des travailleurs.

La liberté d’établissement concerne les personnes exerçant une activité hors d’un lien de subordination. Il s’agit notamment des indépendants et des administrateurs. A contrario, la libre circulation des travailleurs concerne les personnes qui accomplissent, « pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération ».

Ainsi, la CJCE s’est prononcée concernant :

  • des indépendants, résidents belges, travaillant dans un autre Etat membre que la Belgique. Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’un journaliste indépendant travaillant au Luxembourg qui a pris en leasing auprès d’une société de droit luxembourgeois un véhicule immatriculé au Luxembourg.

La CJCE, dans son ordonnance du 24 octobre 2008, a, en réponse à une question préjudicielle posée par une juridiction belge, répondu qu’« une obligation d’immatriculation telle que celle imposée par la réglementation en cause dans le litige au principal aux travailleurs non salariés résidant en Belgique entrave l’accès de ces derniers aux activités non salariées dans les autres États membres et est donc de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice, par ces travailleurs, de la liberté d’établissement ». En d’autres termes, le droit belge décrit au point a) ci-dessus constitue une atteinte à la liberté d’établissement consacrée par le Traité de Rome, liberté relative aux indépendants (par opposition aux travailleurs salariés).

Toutefois, la CJCE précise qu’une telle atteinte à la liberté d’établissement instituée par le droit européen est autorisée lorsqu’elle est justifiée par « un objectif légitime compatible avec le traité et se justifiait par des raisons impérieuses d’intérêt général. Mais encore faudrait-il, en pareil cas, que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ».

Dans le cas d’espèce, la CJCE a précisé qu’une atteinte à la liberté d’établissement est justifiée et que donc un « État membre peut soumettre à une obligation d’immatriculation un véhicule automobile pris en leasing par un travailleur résidant dans cet État membre auprès d’une société établie dans un autre État membre lorsque ledit véhicule est destiné à être essentiellement utilisé sur le territoire du premier État membre à titre permanent ou qu’il est, en fait, utilisé de cette façon ». En d’autres termes, si un indépendant exerçant son activité au Luxembourg utilise en Belgique de façon permanente le véhicule immatriculé au Luxembourg, alors la Belgique peut restreindre la liberté d’établissement de l’indépendant en l’obligeant à immatriculer son véhicule en Belgique ; et

des administrateurs, résidents belges d’une société établie dans un Etat membre autre que la Belgique, mettant à leur disposition une voiture de société immatriculée dans cet autre Etat membre. Dans le cas d’espèce, deux ressortissants belges étaient concernés. Le premier est administrateur d’une société de droit luxembourgeois, lié par un contrat de travail et le second est administrateur et associé minoritaire d’une société de droit luxembourgeois également. Tous deux circulaient au volant d’un véhicule de société sur le territoire belge sans être en possession de l’attestation délivrée par l’administration de la TVA, attestation dont question dans la Circulaire (cfr. point a).

La CJCE, dans son arrêt du 15 décembre 2005, a, en réponse à une question préjudicielle posée par une juridiction belge, répondu que constitue une restriction non justifiée à la liberté d’établissement « une réglementation nationale d’un premier État membre, telle que celle en cause dans les affaires au principal, impose à un travailleur non salarié résidant dans cet État membre d’y immatriculer un véhicule de société mis à sa disposition par la société qui l’emploie, société établie dans un second État membre, lorsque le véhicule de société n’est ni destiné à être essentiellement utilisé dans le premier État membre à titre permanent ni, en fait, utilisé de cette façon ». En d’autres termes, le droit belge décrit au point a) ci-dessus constitue une atteinte à la liberté d’établissement. 

Pour tenter de justifier une restriction à la liberté d’établissement, la Belgique a invoqué en vain la prévention d’abus, la nécessité d’une identification fiable, la sécurité routière ou encore la politique de l’environnement ; et

  • des travailleurs salariés, dans trois principales décisions rendues les 23 février 2006, 15 septembre 2005 et 2 octobre 2003 décrites ci-dessous.

L’arrêt rendu le 23 février 2006 concerne des travailleurs salariés, résidents finlandais, travaillant dans un autre Etat membre que la Finlande. Plus précisément, il s’agissait de travailleurs salariés, résidant en Finlande et circulant dans des véhicules appartenant à un employeur, sis au Danemark et immatriculés au Danemark.

Le recours en manquement introduit par la Commission contre la Finlande concerne :

  1. tant les véhicules de fonction, que le travailleur n’a le droit d’utiliser que durant le temps de travail et dans le cadre de missions professionnelles effectuées pendant cette période ;
  2. que les véhicules de société, que le travailleur a reçu pour une durée assez longue, dans le cadre de la relation d’emploi, et qu’il a le droit d’utiliser également pendant ses loisirs, pour ses propres besoins. Compte tenu des faits décrits ci-dessus au point 2),la société n’est concernée que par le seul aspect de l’arrêt relatif aux voitures de société, raison pour laquelle je me limiterai à l’enseignement de l’arrêt dont question en matière de voiture de société.

La CJCE, dans son arrêt du 23 février 2006, a jugé qu’« il y a lieu de constater que la réglementation finlandaise exigeant l’immatriculation des véhicules de fonction et de société en Finlande et, préalablement, le paiement de la taxe sur les véhicules, constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs ».

Dans le cas d’espèce, la Finlande a tenté en vain de justifier l’atteinte à la libre circulation des travailleurs par les trois arguments suivants :

  • la lutte contre l’évasion fiscale. La CJCE rejette cet argument en se référant à deux autres de ses décisions. Notamment, il se réfère à l’attendu n° 81 d’un arrêt rendu le 15 septembre 2005 dont question ci-dessous selon lequel « pour autant que le gouvernement danois estime que le régime de la taxe d’enregistrement temporaire est justifié par le souci d’éviter une évasion fiscale par l’utilisation d’un véhicule de société immatriculé dans un autre État membre, il y a lieu de constater qu’une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale ne saurait être fondée sur la circonstance qu’un employeur établi dans un État membre autre que le Danemark met un véhicule de société à la disposition d’un travailleur résidant au Danemark à des fins professionnelles, voire professionnelles et privées. Une telle présomption ne saurait ainsi justifier une mesure fiscale portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité  ; et
  • le fait qu’un véhicule de société serait un véhicule à usage mixte qui devrait être assimilé au véhicule personnel d’un travailleur. La CJCE a toutefois rejeté cet argument invoqué par l’Etat finlandais en le considérant comme erroné. La CJCE s’en explique dans un autre arrêt dans les termes suivants : selon la CJCE cet argument « repose sur une prémisse erronée. En effet, le travailleur résidant au Danemark qui peut utiliser un véhicule de société non seulement à des fins professionnelles, mais également à des fins privées ne peut en disposer avec la même liberté qu’il le pourrait avec sa voiture privée, dont l’usage n’est pas limité par les exigences découlant des tâches professionnelles à effectuer  ; et
  • l’identification fiable des véhicules en cas d’infraction au code de la route ou d’accidents ainsi qu’aux fins du contrôle des caractéristiques techniques et autres qui affectent la sécurité routière. Selon la CJCE, « imposer l’immatriculation de véhicules de société appartenant à des sociétés établies dans un autre État membre pour garantir une identification fiable des propriétaires de ces véhicules va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. En effet, tous les États membres disposant d’un système d’immatriculation des véhicules, il paraît possible d’identifier tant le propriétaire d’un véhicule que les caractéristiques techniques de ce dernier, quel que soit l’État membre dans lequel il est immatriculé ».

La CJCE rappelle que l’atteinte à la liberté de circulation des travailleurs est justifiée dans les deux cas suivants :

  1. « un État membre peut soumettre à une taxe d’immatriculation et à une obligation d’immatriculation y afférant un véhicule de société mis à la disposition d’un travailleur qui réside sur le territoire dudit État par une société établie dans un autre État membre, lorsque ce véhicule est destiné à être essentiellement utilisé sur le territoire du premier État membre à titre permanent ou lorsqu’il est en fait utilisé de cette façon ». La CJCE reste donc fidèle à sa jurisprudence précitée concernant les indépendants. ; et
  2. Dans la mesure où la nécessité d’identification est liée à la sécurité routière, la Cour a reconnu que cette dernière constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une entrave à la libre circulation des personnes (…), et que, en ce qui concerne les contrôles techniques, des tests supplémentaires sont possibles dans des États membres autres que celui dans lequel les véhicules sont immatriculés, pour autant que ces tests ne soient pas déjà couverts par un certificat de contrôle technique (…) ». 

Toutefois, dans le cas d’espèce, ces deux justifications ne peuvent être invoquées par la Finlande pour justifier sa réglementation qui est jugée contraire au Traité de Rome. 

L’arrêt rendu le 15 septembre 2005 concerne des travailleurs salariés, résidents danois, travaillant dans un autre Etat membre que le Danemark. Plus précisément, la législation danoise interdit en principe aux travailleurs salariés, résidents au Danemark et circulant dans des voitures de société appartenant à un employeur établi dans un Etat membre voisin, de circuler sur le territoire danois. En outre, une particularité de la législation danoise est d’autoriser ces travailleurs salariés à circuler sur le territoire danois au moyen d’un véhicule immatriculé dans un Etat membre voisin pour autant que :

  • l’emploi occupé dans l’entreprise établie à l’étranger constitue une activité principale ; et
  • une taxe soit acquittée à cet effet. 

Ainsi, l’utilisation au Danemark de véhicules de société immatriculés à l’étranger est subordonnée à la délivrance d’une autorisation spéciale qui elle-même est subordonnée au paiement d’une taxe. 

Suite au dépôt par la Commission d’un recours en manquement contre l’Etat danois, la CJCE, dans son arrêt du 15 septembre 2005, a jugé que constituent une atteinte non justifiée à la liberté d’établissement :

  1. la législation danoise interdisant en principe aux travailleurs salariés, résident au Danemark et circulant dans des voitures de société appartenant à un employeur établi dans un Etat membre voisin, de circuler sur le territoire danois. Le Danemark a tenté en vain de justifier une restriction à cette liberté par la nécessité de prévenir des abus ; et
  2. l’exception en vertu de laquelle les travailleurs salariés danois sont autorisés à circuler sur le territoire danois au moyen d’un véhicule immatriculé dans un Etat membre voisin pour autant que les deux conditions précitées soient respectées. 

En effet, selon la CJCE, la restriction à la liberté de circulation des travailleurs n’est justifiée et le Danemark peut donc obliger à immatriculer le véhicule au Danemark, que « lorsque le véhicule de société est destiné à être essentiellement utilisé au Danemark à titre permanent ou lorsqu’il est en fait utilisé de cette façon ». Dans les autres cas d’espèce, la restriction à la liberté précitée n’est pas justifiée. Le Danemark a invoqué en vain au titre de justification le fait de vouloir empêcher une érosion fiscale. 

La CJCE précise également dans son arrêt que « ce constat ne vaut pas uniquement pour un usage du véhicule de société à des fins professionnelles mais également pour un usage à des fins privées ayant un caractère accessoire par rapport à l’usage professionnel ».

Enfin, l’arrêt rendu le 2 octobre 2003 par la CJCE en réponse à une question préjudicielle posée par une juridiction belge, concerne un travailleur salarié, résident belge, travaillant dans un autre Etat membre que la Belgique. Plus précisément, il s’agissait d’un travailleur salarié, résidant en Belgique et circulant dans une voiture de société appartenant à son employeur établi au Luxembourg et ayant également un siège social à Anvers en Belgique. En outre, le travailleur a reconnu assister à certaines réunions à Anvers.

La CJCE a jugé que l’obligation d’immatriculation du véhicule de société en Belgique dans le cas d’espèce est contraire à la liberté de circulation des travailleurs. En outre, la CJCE précise également que l’AR constitue dans le chef de l’employeur ou de la société de leasing une violation de la liberté d’établissement. Enfin, cette restriction aux libertés précitées ne peut être justifiée par la volonté de l’Etat belge de garantir la sécurité routière et de lutter contre l’érosion de l’assiette fiscale.

Au vu de ce qui précède, la CJCE a clairement jugé que l’AR et donc l’Instruction et la Circulaire constituent une restriction non justifiée à la liberté d’établissement et à la libre circulation des travailleurs lorsque l’Etat belge impose l’immatriculation en Belgique d’un véhicule de société immatriculé au Luxembourg et appartenant à une société de droit luxembourgeois. Concrètement, l’Etat belge ne peut exiger des travailleurs disposant d’une voiture de société immatriculée au Luxembourg, leur immatriculation en Belgique et ce, même si il n’a malgré les décisions précitées de la CJCE pas adapté ses dispositions, soit l’AR, l’Instruction et la Circulaire. Il est possible que l’Etat belge, par l’intermédiaire de fonctionnaires trop zélés, mal formés ou simplement obtus ou malveillants, refuse d’appliquer l’enseignement de la CJCE. Il sera alors indispensable de lui rappeler l’enseignement de la CJCE en négociation d’abord, au moyen de l’introduction d’une procédure administrative ensuite, et judiciaire enfin, si nécessaire.

Au regard des nouvelles sanctions fiscales qui s’abattront encore en 2013 et 2014 sur les sociétés offrant une voiture de société à leurs employés et administrateurs, nul doute que de plus en plus de sociétés veilleront au respect par l’état belge de ses obligations internationales. Une jurisprudence nombreuse devant les tribunaux belges est donc attendue et celle-ci sera nécessairement, au regard de la jurisprudence européenne, favorable au contribuable société belge.

Enfin, les décisions de la CJCE nous apportent également les deux informations suivantes :

  1. un Etat membre ne peut pas conditionner par l’octroi d’une autorisation spéciale le fait de ne pas devoir immatriculer son véhicule dans l’Etat de résidence du travailleur, ce qui ressort de l’arrêt rendu le 15 septembre 2005. Cette information fait écho au fait que le droit belge impose une condition similaire en exigeant la production d’une attestation délivrée par l’administration de la TVA ; et
  2. un Etat membre ne peut pas imposer une obligation d’immatriculation en Belgique au motif qu’une société liée à l’employeur serait établie en Belgique, ce qui ressort indirectement de l’arrête rendu le 2 octobre 2003. Dans les faits de la cause, il était même reconnu que le travailleur « assistait à des réunions » dans les locaux de la société liée, établie en Belgique. Ce fait est à mettre en relation avec la condition de fond imposée par la Circulaire selon laquelle « le bénéfice du régime n’est pas exclu à condition qu’il soit démontré que le résident belge effectue des prestations exclusivement pour la société étrangère et ne travaille donc pas pour le siège belge de l’entreprise ».

c) Position critique à l’égard du Droit Belge : pas d’impôt sans loi

Si les dispositions administratives sont contestables au regard du droit européen, elles le sont également au regard du droit belge.

D’abord, il ressort de l’AR que le Roi délègue au Ministre des Finances la responsabilité de déterminer les conditions « détaillées sur l’usage du véhicule » pour permettre à un résident belge de ne pas devoir immatriculer le véhicule de société mis à sa disposition par son employeur/société luxembourgeois.

Par rapport à ce premier élément, le Roi n’a pas le droit de déléguer à un ministre tout son pouvoir réglementaire. La délégation du pouvoir réglementaire du Roi est en effet limitée aux aspects accessoires ou secondaires ou encore aux mesures d’exécution de principes préalablement arrêtés par le Roi. Dans le cas d’espèce, le Roi n’a pas délégué que des aspects accessoires ou secondaires ou encore la simple prise de mesure d’exécution. Le Roi a clairement outrepassé son pouvoir de délégation.

En outre, aucun arrêté ministériel n’a été adopté. Ainsi, il n’existe qu’une Instruction et une Circulaire. Il y a donc lieu de s’interroger quant à la valeur, s’il y en a une, de ces Instruction et Circulaire. Il faut en outre constater que l’Instruction concerne la taxe de circulation sur les véhicules automobiles et que la Circulaire concerne le régime TVA applicable dans la situation où une entreprise établie dans un autre Etat membre met de manière permanente un véhicule qui n’est pas destiné à être exclusivement utilisé pour un usage professionnel à la disposition d’un de ses employés, résidant en Belgique. Ni l’Instruction, ni la Circulaire ne concernent donc l’obligation d’immatriculation d’un véhicule.

Ensuite, si l’Instruction devait faire office d’Arrêté ministériel, il y a lieu de constater que l’Instruction fixe trois conditions de fond et une condition de forme, soit l’obtention d’une attestation auprès de l’administration de la TVA. Concernant l’obtention de l’attestation, la Circulaire fixe cette fois sept conditions de fond et non plus trois. Il y a donc lieu de constater une divergence entre l’Instruction et la Circulaire.

Enfin, l’Instruction et la Circulaire déterminent en réalité les conditions de l’exigibilité de taxes et d’impôts alors que la Constitution belge réserve fort heureusement ce droit aux seuls législateurs fédéraux et fédérés et aucunement à l’administration fiscale.

Au vu de ce qui précède, les dispositions belges qui ne sont adoptées ni par le Législateur, ni par le Roi, sont déterminées par l’administration fiscale dans une Instruction et une Circulaire et sont donc illégales au regard du droit belge. En outre, ces deux dernières dispositions qui ne concernent qu’indirectement l’immatriculation, sont brouillon et contradictoires.