A partir du 1er avril 2014 il existe une obligation pour les employeurs de motiver le licenciement. Un accord a été conclu entre les partenaires sociaux concernant l’obligation de motiver un licenciement.

Le texte de la CCT est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs qui relèvent de l´organe paritaire, dans la mesure où ils sont compris dans le champ d´application défini. Le travailleur doit adresser sa demande de la motivation par une lettre recommandée à l’employeur dans les deux mois suivant la fin du contrat de travail, mais sans que ce délai ne puisse excéder six mois après la date de son licenciement (Art. 4 CCT).

1. La Convention Collective de Travail du 12 février 2014 n° 109 concernant la motivation du licenciement

A partir du 1er avril 2014 il existe une obligation pour les employeurs de motiver le licenciement. Cependant comme l´ont noté à juste titre Steven Bellemans et Benoît Lysy, « la violation de l´obligation de motivation n´annule pas le licenciement ».

(STEVEN BELLEMANS / BENOIT LYSY « La CCT sur la motivation du licenciement est rendu obligatoire », Actualité, 20/03/2014)

Un accord a été conclu entre les partenaires sociaux concernant l’obligation de motiver un licenciement (la Convention Collective de Travail du 12 février 2014 n° 109 concernant la motivation du licenciement).

La convention s´inscrit dans le cadre de la loi du 26 décembre 2013 et élimine la différence de traitement entre ouvriers (licenciement abusif) et employés (théories de l´abus de droit) dans le cadre du licenciement.

(Loi du 26 décembre 2013 concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement)

La CCT a entré en vigueur le 1er avril 2014 et contient une explication détaillée des raisons de cet accord, parmi lesquelles figure le but de donner une approche plus humaine à la procédure du licenciement :

« La présente convention collective de travail vise à exécuter cette disposition et ainsi à dissiper l’insécurité juridique liée à une différence de traitement entre ouvriers (article 63 de la loi du 3 juillet 1978, relatif au licenciement abusif) et employés (théorie de l’abus de droit) en ce qui concerne les possibilités de contester leur licenciement.

Par ailleurs, la présente convention collective de travail s’inscrit dans un contexte international et européen où différents instruments juridiques portent sur le droit du travailleur de connaître les motifs de son licenciement et sur le droit à la protection contre le licenciement manifestement déraisonnable.

La démarche du Conseil est animée par la conviction que l’explication et le dialogue peuvent éviter les malentendus, apaiser les tensions et diminuer les conflits pouvant surgir entre l’employeur et le travailleur dans le cadre d’un licenciement. Une bonne politique des ressources humaines part d’un dialogue permanent (informel et/ou formel) entre l’employeur et le travailleur tout au long de la carrière. Un éventuel entretien préalable, lorsque l’employeur a l’intention de licencier, peut s’inscrire dans ce dialogue permanent.

Par ailleurs, les partenaires sociaux considèrent que, lorsqu’une décision de licencier est prise, elle doit être bien expliquée. L’approche humaine d’un licenciement, dans un contexte de respect mutuel entre l’employeur et le travailleur, fait partie d’une bonne politique des ressources humaines ».

La CCT est confirmée par arrêté royal, ce qui lui donne une importance plus grande.

(Arrêté royal du 9 mars 2014 rendant obligatoire la convention collective de travail n° 109 du 12 février 2014, conclue au sein du Conseil national du Travail, concernant la motivation du licenciement).

Le texte de la CCT est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs qui relèvent de l´organe paritaire, dans la mesure où ils sont compris dans le champ d´application défini. La CCT n´est pas applicable en cas de licenciement par une administration publique. Il y a quelques autres exceptions que nous allons analyser. Par exemple, les cas de licenciement multiple tombent en dehors du champ d´application de la Convention ainsi que les licenciements pour motif grave.

Avant les employeurs ne devaient indiquer aucun motif de licenciement. Seulement en cas de licenciement pour motif grave il y avait une obligation d’informer le travailleur des raisons qui ont donné lieu au licenciement.

Les ouvriers et les employés licenciés ont maintenant le droit de connaître le motif de leur licenciement (Arts. 2 § 1, 3 CCT).

S’il n’en a pas été informé au moment de son licenciement, le travailleur peut demander à son employeur, par une lettre recommandée, d’être informé des motifs de son licenciement.

Le travailleur doit adresser sa demande de la motivation par une lettre recommandée à l’employeur dans les deux mois suivant la fin du contrat de travail, mais sans que ce délai ne puisse excéder six mois après la date de son licenciement :

« Art. 4

Le travailleur qui souhaite connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement adresse sa demande à l’employeur par lettre recommandée dans un délai de deux mois après que le contrat de travail a pris fin.

Lorsque l’employeur met fin au contrat de travail moyennant un délai de préavis, le travailleur adresse sa demande à l’employeur dans un délai de six mois après la notification du congé par l’employeur, sans toutefois pouvoir dépasser deux mois après la fin du contrat de travail ».

Par jour de la notification du congé, on entend le jour où la notification du congé sortit ses effets. Lorsque la notification du congé se fait par lettre recommandée à la poste, elle sortit ses effets le troisième jour ouvrable suivant la date de son expédition (article 37, § 1er de la loi du 3 juillet 1978). Le congé donné par exploit d’huissier de justice est censé avoir été notifié le jour où l’huissier de justice se présente. Pour vérifier la date à laquelle la demande a été introduite, le cachet de la poste fait foi.

L’employeur a un délai de deux mois après réception de la lettre recommandée pour y répondre (Art. 5 CCT). Cette réponse doit être faite par une lettre recommandée et contenir les éléments permettant au travailleur de connaître les motifs ayant déterminé son licenciement:

« Art. 5

L’employeur qui reçoit une demande conformément à l’article 4 communique à ce travailleur les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement par lettre recommandée dans les deux mois à dater de la réception de la lettre recommandée contenant la demande du travailleur.

La lettre recommandée doit contenir les éléments qui permettent au travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement »

2. Sanctions

La sanction prévue pour les employeurs qui ne donnent aucune suite ou une suite tardive à cette demande du travailleur est une amende forfaitaire de deux semaines de rémunération:

« Art. 7

§ 1er

Si l’employeur ne communique pas les motifs concrets qui ont conduit au licenciement au travailleur qui a introduit une demande à cet effet dans le respect de l’article 4 ou s’il les communique sans respecter l’article 5, il est redevable à ce travailleur d’une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération ».

Les employeurs qui ont communiqué, de leur propre initiative, les motifs du licenciement par écrit au travailleur ne sont pas obligés de répondre à la demande du travailleur (voir aussi art. 6 CCT) :

« Une sanction est désormais prévue pour l’employeur qui n’accède pas à cette demande, sauf s’il l’a déjà fait de sa propre initiative par écrit. L’objectif est de donner aux travailleurs un aperçu des motifs qui ont été à la base de leur licenciement, de sorte qu’ils puissent en apprécier le caractère raisonnable, sans imposer aux employeurs un cadre trop formaliste. L’employeur peut en effet communiquer ces motifs par écrit au travailleur de sa propre initiative ou en réponse à une demande formalisée du travailleur; dans ce dernier cas, il doit toutefois le faire par lettre recommandée ».

3. Licenciement manifestement déraisonnable

La CCT introduit le concept de « licenciement manifestement déraisonnable » dans le droit du travail :

« La présente convention collective de travail prévoit que lorsque l’employeur licencie un travailleur engagé pour une durée indéterminée après six mois d’occupation pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et que ce licenciement n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable, il s’agit d’un licenciement manifestement déraisonnable. Une sanction séparée y est liée ».

C´est un licenciement n’ayant aucun lien avec l’attitude ou l’aptitude du travailleur ou qui n’est pas fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable (Voir aussi art. 8 CCT).

Le contrôle du caractère déraisonnable du licenciement ne porte pas sur les circonstances du licenciement. Il porte sur la question de savoir si les motifs ont ou non un lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou s’ils sont fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service et si la décision n’aurait jamais été prise par un employeur normal et raisonnable.

Seul le caractère manifestement déraisonnable du licenciement peut être contrôlé, et non l’opportunité de la gestion.

La différence avec le licenciement abusif consiste en indemnité. En cas de licenciement abusif, la rémunération due est de 6 mois (ou 26 semaines). On entend par licenciement abusif le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service (Art. 11 CCT):

« Art. 11

(…)Sans préjudice de l’article 39, § 1er de la loi du 3 juillet 1978, l’employeur qui licencie abusivement un travailleur engagé pour une durée indéterminée est tenu de payer à ce travailleur une indemnité correspondant à six mois de rémunération, sauf si une autre indemnisation est prévue par une convention collective de travail rendue obligatoire par le Roi.

L’indemnité visée au troisième alinéa est due indépendamment du fait que le travailleur a été licencié avec ou sans préavis; elle ne peut être cumulée avec l’indemnité prévue à l’article 40 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, aux articles 16 à 18 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d’entreprise et aux comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats-délégués du personnel, ou à l’article 118, § 3 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 portant des dispositions sociales ».

En fonction de la gradation du caractère injustifié du licenciement manifestement déraisonnable, une fourchette de 3 à 17 semaines de rémunération s´applique (Art. 9 §§ 1, 2 CCT):

« Art. 9

§ 1er

En cas de licenciement manifestement déraisonnable, l’employeur est redevable d’une indemnisation au travailleur.

§ 2

L’indemnisation qui est octroyée au travailleur correspond au minimum à trois semaines de rémunération et au maximum à 17 semaines de rémunération ».

En lieu et place de la sanction visée, le travailleur peut demander la réparation de son dommage réel, conformément aux dispositions du Code civil.

L´indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable peut s’ajouter à l’amende de 2 semaines de rémunération pour ne pas avoir répondu à une demande de motivation du licenciement par le travailleur (Art. 7 § 3 CCT). Elle peut aussi être cumulée avec l’indemnité de préavis, une indemnité de non-concurrence, une indemnité d’éviction ou une indemnité complémentaire versée en plus des prestations sociales (Art. 9 § 3 CCT).

« Art. 9

§ 3

L’indemnisation n’est pas cumulable avec toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail, à l’exception d’une indemnité de préavis, d’une indemnité de non-concurrence, d’une indemnité d’éviction ou d’une indemnité complémentaire qui est payée en plus des allocations sociales ».

Mais cette indemnité ne peut être combinée avec d’autres indemnités de protection ou autres indemnités dues par l’employeur suite à la fin du contrat de travail :

« Pour les autres protections contre le licenciement (par exemple la protection de la maternité), les indemnités ne peuvent pas être cumulées avec l’indemnisation octroyée pour un licenciement manifestement déraisonnable. La présente convention collective de travail ne touche donc bien entendu pas aux protections existantes contre le licenciement qui sont prévues dans des législations spécifiques ».

Outre cette indemnité, le travailleur peut intenter une action devant le tribunal sur la base de l’abus de droit. Naturellement, c’est alors au travailleur d’apporter la preuve de la faute de l’employeur, de son dommage et du lien causal entre les deux éléments :

« Le travailleur peut toutefois toujours invoquer l’abus du droit de licencier par l’employeur en application de la théorie civiliste de l’abus de droit, s’il peut en prouver les éléments. Le travailleur doit également prouver, dans ce cas, le lien entre le mode de licenciement et le dommage ainsi que l’ampleur du dommage subi ».

4. La charge de la preuve

Conformément aux dispositions de la CCT si l’employeur a communiqué les motifs du licenciement au travailleur, la règle générale s’applique selon laquelle la partie qui prétend une chose doit en apporter la preuve (Art. 10 CCT).

Si l’employeur n’a donné aucune suite à la demande de connaître les motifs du licenciement, il lui incombe d’apporter la preuve des motifs invoqués pour le licenciement et il doit démontrer que le licenciement n’est pas injustifié (Art. 10 CCT).

Si un travailleur intente une procédure devant le tribunal et il a négligé de demander à l’employeur des raisons de son licenciement, dans ce cas il doit apporter la preuve du caractère injuste du licenciement (Voir aussi art. 10 CCT) :

« Si l’employeur a communiqué les motifs du licenciement dans le respect des dispositions concernées de la présente convention collective de travail, la partie qui allègue des faits en assume la charge de la preuve.

Il appartient toutefois à l’employeur de fournir la preuve des motifs du licenciement invoqués qu’il n’a pas communiqués au travailleur dans le respect des dispositions concernées de la présente convention collective de travail et qui démontrent que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.

Par ailleurs, il appartient au travailleur de fournir la preuve d’éléments qui indiquent le caractère manifestement déraisonnable du licenciement lorsqu’il n’a pas introduit de demande visant à connaître les motifs de son licenciement dans le respect des dispositions concernées de la présente convention collective de travail ».

La CCT s’applique à tous les travailleurs liés par un contrat de travail et leurs employeurs. Les secteurs concernés par une exception temporaire ou structurelle en matière de délais de préavis sont exclus de cette réglementation. L’obligation de motivation ne s’applique qu’à partir du 1er janvier 2016 aux secteurs qui relèvent des exceptions temporaires. Jusqu’à cette date, la réglementation concernant le licenciement abusif s’applique toujours à ces secteurs :

« L’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relatif au licenciement abusif, qui s’appliquait uniquement aux ouvriers, cessera ainsi de s’appliquer. Le contenu de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 est toutefois maintenu jusqu’au 31 décembre 2015 pour les travailleurs auxquels s’applique temporairement un préavis réduit dans le cadre de l’article 70, § 1er de la loi du 26 décembre 2013. À partir du 1er janvier 2016, ce sont les dispositions de la présente convention collective de travail qui s’appliquent à ces travailleurs. Pour les travailleurs auxquels s’applique structurellement un préavis réduit dans le cadre de l’article 70, § 4 de la loi du 26 décembre 2013, le contenu de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 continue de s’appliquer ».

Pour les secteurs concernés par une exception structurelle le licenciement abusif continue d’exister comme avant.

Les dispositions à propos de la motivation du licenciement ne s’appliquent pas aux :

  1. travailleurs licenciés pendant les six premiers mois de l’occupation (Art. 2 § 2 CCT). Les contrats préalables et successifs à durée déterminée ou le travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur sont comptés pour analyser si une personne se situe  dans ses six premiers mois d’occupation : « Des contrats antérieurs successifs à durée déterminée ou de travail intérimaire pour une fonction identique chez le même employeur entrent en ligne de compte pour le calcul des six premiers mois d’occupation. La définition de contrats antérieurs successifs est celle à laquelle il est fait référence à l’article 37/4 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail »;
  2. les dispositions ne s’appliquent pas davantage aux contrats de travail intérimaire ou d’étudiant (Art. 2 § 2 CCT), en cas de licenciement en vue du chômage avec complément d’entreprise (Art. 2 § 2 CCT) ou de la pension (Art. 2 § 2 CCT) ou en cas de cessation définitive de l’activité (Art. 2 § 2 CCT), de fermeture d´entreprises ou de licenciement collectif (Art. 2 § 2 CCT);
  3. l’obligation de motivation n´existe pas non plus pour les travailleurs faisant l’objet d’un licenciement pour lequel l’employeur doit respecter une procédure de licenciement particulière lorsque celle-ci est stipulée dans la loi ou dans une CCT interprofessionnelle, sectorielle ou d’entreprise (Art. 2 § 2 CCT);
  4. les dispositions ne s’appliquent pas non plus au simple licenciement en cas de restructuration comme défini au niveau sectoriel (Art. 2 § 3 CCT).