La nouvelle loi de 2011 a fait couler beaucoup d’encre, et ce principalement en raison de la prohibition du regroupement familial à l’égard de l’ascendant du belge.

 

La loi du 26 mai 2011 précise explicitement que la notion « des membres de la famille du ressortissant belge » est semblable à celle « des membres de la famille d’un citoyen européen », sous réserve des ascendants.  A cet égard, le législateur belge a décidé de limiter le regroupement familial des ascendants, en le réservant exclusivement aux « père et mère d’un Belge mineur, qui établissent leur identité au moyen d’un document d’identité et qui accompagnent ou rejoignent le Belge », conformément à l’arrêt Zambrano

[1].

Certains prédisent que l’exclusion du droit au regroupement familial pour l’ascendant entrainera un phénomène d’exil forcé dès lors qu’un « Belge exerçant son droit à la libre circulation au sein de l’Union européenne pourrait effectuer un regroupement familial si l’Etat où il est installé l’y autorise puis revenir en Belgique avec son parent (…) Avant le vote de la loi de 2011, des Néerlandais s’installaient en Belgique et y opéraient des regroupements familiaux interdits par la loi néerlandaise. On pourrait assister au même phénomène. Des gens sont poussés dans le dos »[2].

De toute évidence, cette exclusion vise essentiellement les ressortissants belges d’origine musulmane. En agissant de la sorte, la Belgique prend à contre-pied l’influence que détient le pays d’origine sur la conception du rôle du père ou du grand-père. En effet, ce sont justement dans ces pays visés, et plus largement dans toute l’Afrique, que cette influence se fait lourdement sentir. Car, dans la conception africaine de la famille, au delà de l’éducateur et du modèle, l’ascendant est le nombril de la famille. Ainsi, si les enfants s’estiment redevables envers les ascendants dans toutes les cultures, il ne fait nul doute que ceci est encore plus prononcé chez les Africains.  De ce fait, l’ascendant appelle, à l’égard du descendant, à un respect et à un devoir de bienveillance sans aucune mesure et sans limite dans le temps.

Dès lors que l’on insiste sur la charge que représentent  les ascendants pour l’Etat, les autorités belges décident de privilégier des considérations économiques au détriment du droit fondamental de vivre en famille. En considérant respecter le principe de proportionnalité exigé par l’article 8§2 de la CEDH ainsi que le principe de non-discrimination, la Cour affirme que « le Belge majeur a pu se constituer un réseau affectif sur le territoire national. Même si ces liens ne sont pas assimilables aux liens de parenté qui l’unissent à ses ascendants directs, il n’en demeure pas moins que l’intégration du Belge majeur, dont les parents ne sont pas des citoyens européens, rend moins nécessaire pour lui la présence permanente de ses parents sur le territoire national »[3].

Or, une telle interprétation de la figure parentale semble fortement restrictive. En effet, à aucun moment la Cour ne prend en compte la véritable raison pour laquelle tend de personnes, principalement d’origine africaine, désirent se faire rejoindre par leur parents. Car bien au delà de l’aspect affectif, ceux-ci agissent avant tout par solidarité familiale[4] à l’égard d’une figure parentale à qui est vouée un véritable culte.

Par ailleurs, l’argument de la Cour, qui tente de minimiser le poids de cette exclusion et prétend respecter le principe de proportionnalité en rappelant que les ascendants peuvent demander un « visa humanitaire »[5], est tout aussi surprenant lorsque l’on sait pertinemment bien qu’un tel visa est extrêmement difficile à obtenir.

 

[1] CJUE, 8 mars 2011 (Gerardo Ruiz Zambrano c/ Office national de l’emploi), C 34/09)

[2] J.-C. M, « Regroupement familial : les Belges poussés à l’exil », La Libre Belgique, 27 septembre 2013, p. 8

[3] C. const., du 26 septembre 2013, n° 123/2013, B.7.3.

[4]M. VANDEMEULEBROUCKE, « Quand les parents ne font pas vraiment partie de la famille » http://www.amnesty.be/doc/les-blogs/le-blog-de-martine/article/quand-les-parents-ne-font-pas

[5] L’article 9 de la loi du 15 décembre 1980 prévoit qu’un droit de séjour peut être accordé moyennant le pouvoir discrétionnaire du ministre de l’Intérieur.