La cession de créance à titre de garantie est définie comme étant un contrat par lequel le débiteur transfère à son créancier la propriété d’un bien à titre de sûreté ; celui-ci s’engage à le rétrocéder au débiteur lors du paiement de la totalité de la dette.
1. Notion
Ce mécanisme de garantie également appelé fiducie-sûreté ne bénéficie en droit belge d’aucun régime général, contrairement au droit français qui a, depuis 1980, adopté une loi Dailly Seules quelques dispositions sectorielles, telles notamment l’article 3 de la loi du 3 janvier 1958 relative au financement des travaux publics en Belgique, les articles 27 à 35 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection des rémunérations des travailleurs et plus récemment l’article 12 de la loi sur les sûretés financières, consacrent l’institution. En l’absence de législation, la doctrine a proposé la définition suivante : la sûreté-fiducie est le « contrat par lequel le débiteur transfère à son créancier la propriété d’un bien à titre de sûreté ; celui-ci s’engage à le rétrocéder au débiteur lors du paiement de la totalité de la dette »[2]. La créance-assiette n’est donc pas gagée mais bel et bien cédée en propriété[3]. La cession de créance à titre de garantie est d’abord une sûreté conventionnelle : le déficit législatif dont elle est l’objet l’exclut du rang des sûretés traditionnelles faisant d’elle un contrat innomé, une sûreté conventionnelle « tout à fait abandonnée à l’autonomie de la volonté »[4]. Rien ne s’oppose donc à la formation d’un contrat de sûreté-fiducie si ce n’est le respect des règles de validité du contrat de droit commun reprises aux articles 1108 et s. Cc et l’absence de violation de règles impératives ou d’ordre public. Par ailleurs, l’institution détient indéniablement le statut de sûreté réelle en ce qu’elle affecte un bien particulier du débiteur à la garantie du remboursement d’une créance[5]. Pour ce faire, cette sûreté se fonde sur le droit de propriété en vue de garantir au créancier, souvent un organisme bancaire, le recouvrement de sa créance. D’aucun décrivent la propriété comme « reine des sûretés »[6] d’abord parce qu’elle se hisse au sommet du rang de préférence, évinçant au passage tout autre titulaire de privilège[7], ensuite parce qu’elle est facile à constituer[8]. Le transfert est traditionnellement assorti de trois clauses contractuelles particulières et inhérentes au rôle que joue la propriété au sein de cette convention. La première prévoit l’impossibilité pour le cessionnaire d’aliéner la créance cédée[9]. La deuxième prévoit que le transfert est soumis à la condition résolutoire du paiement de la dette qu’il garantit[10]. La dernière, impose au cessionnaire d’ « imputer ce qu’il percevrait du débiteur cédé sur ce que lui doit le cédant et même à rembourser l’excédent éventuel »[11]. Une précision s’impose dès lors quant à la portée de ce droit de propriété. S’il est vrai que les prérogatives du cessionnaire sont visiblement restreintes par ces clauses qui l’empêchent de jouir pleinement de son statut de propriétaire[12], la propriété reste toutefois « toute entière sur la tête du seul fiduciaire »[13] car seul l’exercice (et non la nature) du droit de propriété est limité[14]. La cession de créance à titre fiduciaire présente enfin, et cela est propre à toute sûreté, un caractère accessoire puisqu’elle ne trouve son intérêt que dans l’existence d’un autre droit, celui de la créance garantie[15]. Jean-Louis Van Bockstael a justifié le recours aux formes conventionnelles étrangères aux contrats nommés par la volonté des parties contractantes de se mettre à l’abri de l’application des règles relatives à ces derniers parce que jugées trop peu souples[16]. D’après lui, les motivations que cache le recours aux contrats innomés sont à rechercher dans l’inadaptation à la pratique commerciale du régime gouvernant une institution conceptuellement très proche : dans le cas d’espèce, il s’agit du nantissement sur créance.[17] La fiducie-sûreté en élude d’abord les lourdes formalités. Nous l’avons vu, aucune condition de validité autre que celles reprises dans le droit commun des contrats n’est requise. Par ailleurs, d’après le prescrit de l’article 1690 Cc, la seule conclusion de la convention rend cette dernière opposable aux tiers, exception faite du débiteur cédé pour qui la convention n’est opposable qu’au moment de la notification de la cession. A contrario, le « contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette »[18], est soumis à une double formalité d’opposabilité visée à l’article 2074Cc et qui impose l’établissement d’un acte authentique ou sous seing privé dûment enregistré contenant d’une part la déclaration de la somme due ainsi qu’une description de la créance gagée. Plus important encore, l’article 2078 Cc interdit le recours au pacte commissoire exprès en matière de gage. En ce qu’elle ne tombe pas sous cette dénomination, la fiducie-sûreté n’est pas soumise à cette disposition. La fiducie-sûreté se distingue également du gage par le transfert complet de la propriété qu’elle suppose là où le gage se fonde sur son démembrement, accordant uniquement la possession. Cette dernière est à nuancer en ce que le nouvel article 2075 rend l’exigence de dépossession de la créance nantie fictive en posant que la mise en possession est réalisée par la conclusion du contrat de gage[19]. Cette acquisition de la propriété confère au cessionnaire l’avantage certain de ne pas voir la créance-assiette soumise aux règles du concours. Cette dernière considération, a joué un rôle important dans la guerre que s’est livrée la doctrine pour déterminer l’ (in)opposabilité du mécanisme. [1] Loi du 2 février 1980, insérée aux articles 313-23 et s. du Code monétaire et financier français. [2] F. T’KINT, « La fiducie-sûreté », in De trust en de fiduciaire overenkomst practische implicaties, (sous la coordination de J. HERBOTS en D. PHILLIPPE), Brussel, Bruylant, 1997, p. 247. [3] F. T’KINT, « Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers », Précis de la Faculté de Droit de l’Université catholique de Louvain, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 158. [4] J.-L. VAN BOCKSTAEL « La sûreté fiduciaire », R.G.D.C., 1992, p.218. [5] Idem. [6] J. STOUFFLET, « L’usage de la propriété à des fins de garantie », in Les sûretés (sous la coordination de A. BRUYNEEL et A.M. STRANART, Colloque de Bruxelles des 20 et 21 octobre 1983, CHAMPAGNE-sur-SEINE, Feduci, 1984, p.320. [7] Idem. [8] Idem. [9] F. T’KINT, « Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers », op.cit., p. 158. [10] Idem. [11] F. T’KINT, « Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers », op.cit., p. 159. [12] J.-L. VAN BOCKSTAEL « La sûreté fiduciaire », R.G.D.C., 1992, p.219. [13] Idem. [14] Idem. [15] F. T’KINT, « Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers », op.cit., p. 107. [16] J.-L. VAN BOCKSTAEL « La sûreté fiduciaire », R.G.D.C., 1992, p.218. [17] Idem. [18] Article 2071Cc. [19] E. DIRIX, « Le nantissement », priv. Supplément 22 du 1er mars 2008, 2008, Bruxelles, Kluwer, p.50.2. Intérêt pratique du recours à la fiducie-sûreté